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action et cette propagande étaient restées au premier plan dans leurs préoccupations et dans celles de l’opinion américaine. Entre 1915 et 1918, le gouvernement de Washington envoya en Turquie plusieurs commissions d’enquête officielles ou officieuses. Lorsque Constantinople fut occupée par les trois Puissances alliées et qu’elles y installèrent des représentants, les Etats-Unis s’empressèrent d’y envoyer un haut-commissaire, qui n’avait pas qualité pour intervenir dans le Conseil interallié, mais qui n’a jamais renoncé à dire son mot et à marquer sa place dans toutes les tractations d’ordre financier ou économique.

Cette intervention est pleinement justifiée : ce que Constantinople demandait autrefois à la Russie, c’est l’Amérique qui, aujourd’hui, le lui fournit. Charbon, céréales, sucre, alcool, tout vient des Etats-Unis. Pour le mois de septembre 1921, les importations des Etats-Unis à Constantinople se chiffrent, en quantité, par 12 004 254 kilogrammes, en valeur, par 202 557 540 piastres, dépassant celles de tous les autres pays, y compris même l’Angleterre. Encore faudrait-il tenir compte du fait qu’une certaine quantité de marchandises, que les statistiques portent au compte des Pays-Bas, parce qu’elles arrivent sous pavillon hollandais, proviennent en réalité d’Amérique et n’ont fait que transiter par Rotterdam. Les événements d’Anatolie, la difficulté des communications avec l’Asie, la destruction systématique, par les Grecs, de provinces autrefois fertiles, sont autant de circonstances dont les Etats-Unis ont profité pour se tailler à Constantinople une position commerciale de premier ordre. Qu’à cette position commerciale corresponde tôt ou tard une influence politique, cela semble inévitable. Dès aujourd’hui, l’Amérique est partout présente en Turquie : par son commerce, par ses écoles, par ses organes de bienfaisance, par son haut-commissariat. A Constantinople, une institution nouvelle, l’University Club, groupe sous le patronage américain et autour des professeurs de Robert College l’élite intellectuelle de la société indigène et étrangère ; le Near Est Relief, dont on connaît l’action efficace et étendue, distribue dans toute la Turquie et jusqu’au Caucase des vivres, des vêtements, des produits pharmaceutiques, et recueille dans les mêmes régions tous les renseignements relatifs à la situation politique, morale et économique des populations secourues. Possédant de tels instruments, les Américains ont la prétention de s’en servir à