Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/393

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ports de la Mer-Noire. Depuis deux ans, la plus grande part des produits importés, non seulement en Anatolie, mais au Caucase, sont ou bien italiens d’origine, ou bien procurés par l’entremise du commerce italien. L’Italie a été la première entre les Puissances alliées à renvoyer des consuls à Batoum et à Tiflis pour y protéger ses marchands. À Constantinople, l’attitude de nos amis et alliés pouvait se définir ainsi : l’Italie laissait aux autres le soin de débrouiller les problèmes politiques, dont elle ne se désintéressait point, mais qu’elle subordonnait à l’action économique. C’est par la navigation, par le commerce, par la finance, que l’Italie entendait affirmer en Orient son influence grandissante.

Lorsque, après la chute de M. Giolitti, le marquis della Torretta remplaça le comte Sforza au ministère des Affaires étrangères (5 juillet 1921), un léger changement se produisit dans la politique orientale de l’Italie. Un journal de Péra, qui servait souvent d’interprète aux hôtes du palais de Venise, parla d’une France « toute absorbée par l’Allemagne et momentanément distraite des affaires d’Orient. » Le même organe laissait prévoir un partage proportionnel de la Méditerranée entre l’Angleterre, l’Italie et la Grèce, et concluait : « Nous estimons qu’étant donné d’une part la situation du monde, de l’autre la franche et réciproque amitié de l’Italie et de l’Angleterre, ces deux Puissances en viendront à trouver une ligne de conduite commune en Méditerranée et dans le proche Orient. Ensuite, grâce au trait d’union anglais, la Grande-Bretagne, l’Italie et la Grèce formeront un seul et même faisceau oriental. » Au même moment se poursuivaient à Londres, entre l’ambassadeur d’Italie et le ministre de Grèce, des conversations dont le but était d’éliminer toute cause de conflit entre ces deux Puissances dans la Méditerranée.

Ces tentatives, ou ces velléités furent arrêtées brusquement par la nouvelle, bientôt démentie, mais foncièrement exacte, qu’un arrangement était intervenu entre l’Angleterre et la Grèce au sujet de Constantinople. Ce que M. Venizélos lui-même, qui pourtant voyait grand, n’avait pas osé prétendre, le roi Constantin l’avait, disait-on, demandé et obtenu : les Anglais ne s’opposeraient pas à ce qu’il entrât dans Byzance et en fît la capitale de la Grèce agrandie. De fait, on voyait reparaître dans les journaux britanniques tous les arguments invoqués