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LA QUESTION DE CONSTANTINOPLE


La nécessité de réviser le Traité de Sèvres ayant été implicitement reconnue par la conclusion des accords de Londres (mars 1921), le Gouvernement français fut amené à modifier, ou, plus exactement, à préciser son dessein et sa méthode d’action à Constantinople. Le dessein pouvait se définir ainsi : favoriser, entre Stamboul et Angora, un rapprochement sans lequel la paix ne pouvait être rétablie en Orient ; obtenir des Turcs, comme contre-partie des modifications consenties au Traité de Sèvres, en Asie la cessation de toute hostilité contre nos troupes de Cilicie, la reconnaissance et la garantie de nos droits ; en Europe et généralement dans l’Empire, le maintien, au moins provisoire, des capitulations, des contrôles financiers, des privilèges judiciaires et autres, dont la suppression doit être subordonnée à l’application effective et éprouvée d’un certain nombre de réformes indispensables.

Il n’a tenu ni au général Pelle, haut-commissaire de la République en Orient, ni au maréchal Izzet pacha, ministre des Affaires étrangères du Sultan, que ce programme ne fût réalisé au cours de l’été 1921. On pouvait attendre beaucoup de la collaboration de ces deux hommes qui, l’un et l’autre, avaient trop longtemps fait la guerre pour ne pas désirer ardemment la paix et s’efforcer de la rendre possible. Dans tous leurs entretiens, le général Pelle et le maréchal Izzet se faisaient un devoir d’aborder les questions les plus délicates avec une franchise toute militaire. Ils se donnaient mutuellement l’impression, non pas de ne se rien cacher l’un à l’autre, ce qui, dans leur situation, eût été impossible, mais de ne se mentir jamais. Cette sincérité réciproque, conforme à leur caractère de soldats, n’était pas moins propice à leur activité de diplomates : depuis tantôt un an, elle a contribué à écarter bien des malentendus, et parfois à prévenir de graves complications.

J’aurais mauvaise grâce à vouloir présenter le général Pelle à des lecteurs français : nul n’a pu oublier ni les services qu’il a rendus en remplissant pendant près de deux ans et demi auprès du général Joffre les multiples et lourdes fonctions de major-général des armées, ni la brillante action par laquelle il arrêta en mars 1918, avec son corps d’armée hâtivement renforcé d’un