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de Perse ; les Turcomans des vallées du Nord, les Tcherkesses de Mombidj, les Yézidis de Djésireh, les Persans de Nedjef et de Kerbela, les Juifs des environs de Babylone, qui prétendent n’avoir jamais quitté le pays depuis le temps de la Grande Captivité ?

Déjà les Assyro-Chaldéens ont protesté auprès du Gouvernement britannique contre l’établissement d’un Empire arabe sur le Tigre et sur l’Euphrate, et, si je suis bien informé, un de leurs chefs militaires, dont je pourrais donner le nom, entreprend de constituer un État autonome, dont il a très largement fixé les limites. Déjà aussi, parmi les Arabes sédentaires de Mésopotamie, se manifestent des courants hostiles à la nomination de l’Émir, qu’ils tiennent pour un intrus. Les uns réclament un gouvernement national, les autres une république fédérative ; ils ne savent pas exactement ce qu’ils veulent, mais ils savent fort bien ce qu’ils ne veulent point.

Et pourtant il faut à cette immense contrée une organisation, à ces peuples un gouvernement. Sans doute, et c’est là qu’apparaît l’énormité de la tâche que les Etats de l’Occident ont assumée si légèrement. J’ai sous les yeux le rapport dressé par les experts américains sur les « possibilités » de l’Arménie. Les problèmes ethniques, politiques, économiques y sont examinés tour à tour, avec le plus grand soin et la plus grande précision. Les experts concluent au rejet du mandat qui avait été offert aux Etats-Unis, et l’on sait que le gouvernement de Washington a adopté leurs conclusions. La France et l’Angleterre, avant d’accepter les mandats concernant la Syrie et la Mésopotamie, avaient-elles fait procéder sur place à des enquêtes analogues ? Je l’ignore. Il n’eût pas été sans intérêt de publier, comme ont fait les Américains, les résultats de ces études préalables, que les expériences faites après coup ne sauraient jamais remplacer. Ces dernières sont coûteuses et se traduisent souvent par des mécomptes pour ceux qui les instituent, par des troubles politiques et des malaises économiques graves, chez ceux aux dépens de qui elles sont faites. La tâche que nous avons entreprise en Syrie est relativement plus facile que celle qui incombe aux Anglais dans l’Irak. Bien que nos alliés se plaisent à nous prédire que nous ne resterons pas longtemps en Syrie, je crois que nous y serons encore, après que l’Angleterre aura évacué la Mésopotamie. Et pourtant, que de tâtonnements, que de faillites