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autonome, le Hedjaz et l’Arménie étaient constitués en Etats libres et indépendants, la ville et le vilayet de Smyrne abandonnés provisoirement à la Grèce, sauf à en régler au bout de cinq ans, par un plébiscite, l’attribution définitive.

De l’influence et des intérêts séculaires que nous possédions sur toute l’étendue de l’Empire ottoman, à Smyrne, à Jérusalem et à Caïffa, à Diarbékir, à Mossoul et à Bagdad, aussi bien qu’à Beyrouth, à Alep et à Damas, il nous restait en tout et pour tout la Syrie, et, dans ce pays où notre nom était respecté et aimé, notre langue connue, notre culture largement répandue, mais qui n’entendait nullement passer du joug ottoman sous un protectorat français, nous étions amenés par la force des choses, par l’esprit du traité, que nous n’avions point inspiré, enfin par l’exemple de nos rivaux, à pratiquer une politique et à entreprendre une œuvre d’administration et de tutelle, qui n’étaient nullement conformes à ce que les Syriens attendaient de nous. Fort heureusement, nous n’avons pas tardé à reconnaître nos erreurs et le grand prestige du général Gouraud, son autorité et sa bonté ont remédié aux imprudences de quelques subalternes et rétabli l’entreprise sur des bases plus raisonnables.

Le grave défaut du système suggéré et imposé par les Anglais est de méconnaître aussi bien la civilisation particulière, mais très ancienne et très avancée, de plusieurs de ces peuples, que les mœurs primitives, la barbarie farouche de quelques autres. Il était insensé de vouloir traiter la Syrie comme le Maroc, et il ne l’était pas moins de prétendre soumettre les Bédouins du désert à un régime politique importé d’Europe.

Au mois de mai 1912, j’étais à Bagdad, et, sur l’invitation de Djemal Bey, — le futur Djemal pacha, — qui gouvernait alors la province pour l’Empire ottoman, je me rendais au Seraï pour une cérémonie dont on ne m’avait point précisé le caractère. J’y trouvai rassemblés une trentaine de grands chefs bédouins, que le gouverneur avait convoqués dans sa capitale. Djemal avait formé un projet grandiose ; il voulait fixer les tribus nomades et assurer ainsi la culture des territoires auxquels le système d’irrigation imaginé par sir William Wilcox devait bientôt rendre leur antique fertilité.

Les chefs du désert étaient groupés au centre de la cour intérieure ;