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d’obtenir quelques modifications de détail dans son application, et peut-être quelques compensations sur un autre terrain. Selon l’expression que j’ai recueillie de la bouche d’un de nos délégués, « nous avions saboté, dès l’entrée en jeu, une situation exceptionnellement favorable. »

Ce qui s’est passé à Constantinople depuis l’armistice est la conséquence logique de ce qui s’était fait à Londres : tandis que les représentants financiers français s’efforçaient d’administrer au mieux un patrimoine, qui est le gage de nos porteurs, les délégués anglais subordonnaient nettement la finance à la politique et ne se faisaient point scrupule de précipiter une faillite, qui, dans leur dessein, servirait à légitimer une mainmise complète des Puissances occupantes sur toutes les ressources de l’Empire.

La propagande faite par l’Angleterre auprès des Juifs, des Grecs et des Arméniens ottomans, pour les pousser à réclamer une indépendance complète, une séparation absolue d’avec les Turcs, rentre encore dans le même plan général d’action. On a vu, dans un précédent article, comment le mouvement sioniste et nationaliste s’est propagé parmi les Juifs, depuis Jérusalem jusqu’à Constantinople ; et de quelle manière le clergé anglican, en prenant fait et cause pour les Grecs et en prêtant son appui moral à la politique du Phanar, a collaboré lui-même à l’entreprise qui a pour but de placer le Levant sous l’hégémonie britannique. Sans doute, pour l’Eglise anglicane, il s’agit avant tout de délivrer des chrétiens du joug musulman et, subsidiairement, de faire obstacle aux progrès éventuels de l’Église catholique en Asie. Pour les chefs de l’entreprise, il s’agit de mettre l’Eglise grecque en possession de l’héritage abandonné par l’Eglise russe, en un mot, de se servir des pappas comme ils se servent des soldats de Constantin, pour résoudre selon leurs vœux la question d’Orient.

Cette politique, évidemment contraire à nos intérêts, est-elle du moins conforme aux intérêts anglais ? Il a suffi à M. Winston Churchill de parcourir rapidement l’Egypte, la Mésopotamie et la Syrie, pour s’apercevoir des énormes inconvénients que comportait, pour l’Empire britannique, l’action engagée à Londres, à Constantinople, à la Mecque et à Bagdad par quelques Anglais aventureux et trop influents. A peine revenu de son voyage (juin 1921), M. Churchill démontrait, dans un discours prononcé