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nouveau à représenter la Crise tout de suite après Diane de Lys, quitte à rendre l’Institutrice à Scribe. A Scribe ? quel sacrilège ! car Scribe est alors un des rois du théâtre. Mais, Scribe facilite les choses, car lui aussi menace de retirer son manuscrit, n’ayant pas une distribution à son gré. Seulement, à lui, on le lui rend.

Les répétitions commencent et vont à merveille : Lafontaine (le mari). Rose Chéri (la femme) et Dupuis (le faux séducteur) sont tous trois enchantés de leur rôle. Mais voici que la Censure intervient. Nous avons peine à nous représenter aujourd’hui, quand toutes les libertés, et même toutes les licences sont accordées au théâtre qui n’a pas manqué d’en abuser pour oublier trop souvent cette politesse et ce bon ton pourtant si nécessaire à garder dans une société soi-disant civilisée, cultivée et raffinée, les exigences de cette censure d’autrefois qui intervenait avec ses malencontreux ciseaux dans les ouvrages les plus inoffensifs. Pour Octave Feuillet, elle fut souvent impitoyable, et cela, évidemment, nous parait cocasse. Eugène nous la montre opérant la Crise :


« Voici comme les choses se sont passées. — Je t’ai dit que j’avais assisté à la répétition et qu’elle avait encore eu lieu sans changements, et que Montigny devait aller à trois heures trouver MM. les Censeurs pour s’entendre définitivement avec eux. — Mais auparavant, sur les quelques annotations faites en marge du manuscrit par la Censure, le père Monval s’était transporté chez J. Janin pour le prier de vouloir bien faire les raccords, faire droit aux réclamations de la Censure, et remplacer ce qu’elle voulait supprimer. Alors, mon cher, Janin dont tu te méfies, a travaillé pendant deux heures, et produit la valeur de dix pages au moins. Ainsi tu craignais qu’il ne fit rien pour toi, et je te réponds, moi, qu’il a beaucoup trop fait : car Montigny me disait pendant la répétition que tout ce qu’il avait écrit là était d’une ineptie telle qu’il serait impossible d’en dire un mot, et le soir, il me l’a prouvé en m’en lisant des passages. Je te jure que c’en est tout à fait bouffon, — femme pot-au-feu, — femme feuille morte, — femme saule pleureur, etc., etc. — Montigny garde cela pour te le montrer plus tard comme une bonne curiosité. — Dieu merci ! on n’a eu besoin de rien de tout cela, — et grâce à la façon dont Montigny