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LA QUESTION TURQUE

V [1]
LA TURQUIE ET LES PUISSANCES

Pendant des siècles, la Turquie a été pour les grandes Puissances de l’Europe, non pas précisément un champ de bataille, mais un terrain de compétition et de discorde. Selon les prévisions de quelques hommes politiques, elle devrait le rester jusqu’à sa mort, c’est-à-dire jusqu’au démembrement complet et définitif de l’Empire ottoman. De bons esprits, moins versés, il est vrai, dans la politique que dans l’histoire, dans l’étude des races, des institutions et des religions, estiment que l’Empire ottoman a encore un rôle à jouer dans le monde, et qu’il n’est pas indifférent que ce rôle soit joué par lui ou par quelque Etat qu’on lui aurait substitué en raison de circonstances ou d’intérêts particuliers. Ils ne méconnaissent point les difficultés, les dangers du régime qui fait vivre sous l’autorité, tout au moins nominale, d’un même souverain, des populations appartenant à des races, à des religions, à des civilisations différentes. Mais ce mélange même leur parait offrir certains avantages, que des reformes sagement imposées pourraient développer et affermir. En 1912, un écrivain allemand, qui eut sur la politique orientale de l’Europe quelques vues profondes, observait que jadis, avant que les interventions occidentales eussent faussé la situation ; les peuples chrétiens soumis à la Porte étaient en mesure d’établir, dans la Turquie d’Europe, un état politique régulier à la place du régime turc. « Mais, ajoutait-il, si aujourd’hui

  1. Voyez la Revue des 15 janvier, 1er février, 1er mars et 15 avril.