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de théodicée professé à l’Institut catholique par Mgr d’Hulst, son ami. M. Edouard Estaunié n’a jamais oublié l’intérêt qu’il y prit. Tout devait en effet l’attirer dans ce prélat dont Mgr Baudrillart a tracé un portrait magnifique et définitif. La nuance un peu hautaine de sa physionomie, ce qu’il appelait lui-même et s’excusait d’appeler « son hérédité aristocratique, » n’était point pour déplaire au jeune homme. Il admira son aisance dans l’exposition des idées abstraites, sa netteté décisive, son dédain des faux fuyants, son intelligence rapide, son ouverture d’esprit, la belle et profitable curiosité de ce prêtre, « qui, sans s’être adonné spécialement à aucune science particulière, avait su se tenir au courant du mouvement général des sciences. » Je ne sais ce qu’il retint de ses cours ni si, plus tard, il prêta l’oreille aux échos de cette parole que lui renvoyaient les journaux et les livres. Mais il est curieux de noter qu’en 1895 Mgr d’Hulst, dans son dernier discours de rentrée où il précisait le rôle de l’enseignement supérieur catholique, empruntait une de ses images les plus saisissantes à la théorie des ferments de Pasteur. Si nous traitions d’un contemporain comme nous le faisons des écrivains du passé, avec une ingéniosité souvent trop conjecturale, il ne nous en faudrait pas davantage pour aller chercher dans ce discours la première idée du Ferment de M. Estaunié.

Il entra à Polytechnique. Sa promotion fut une des plus glorieuses : elle comptait, entre autres illustrations futures, Ferber, le père de l’aviation ; Cazemajou, le grand explorateur de l’Afrique centrale ; les généraux Nollet et Pelle ; M, Rouché, directeur de l’Opéra, et M. Marcel Prévost. On a dit encore plus de mal de l’Ecole Polytechnique que de l’Ecole Normale. Que ne lui a-t-on pas reproché ? De surmener les jeunes gens jusqu’à les stériliser et de n’en faire que des théoriciens infatués d’eux-mêmes et de leurs théories. On l’a accusée, — ni plus ni moins que la Société de Jésus, — de les marquer d’une indélébile empreinte. On oublie que les grandes écoles ne donnent réellement un « esprit » qu’à ceux qui n’en avaient pas. « Vous imaginez-vous, disait un soir M. Edouard Estaunié dans un groupe où l’on discutait Polytechnique, vous imaginez-vous que l’X a été institué pour fabriquer péniblement et durement des officiers d’artillerie et quelques ingénieurs ? Non certes, et je vous accorde qu’on les fabriquerait aussi bien ailleurs. L’X est