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d’une observation courante et contenus dans la vie quotidienne. Toute femme mariée, si honnête soit-elle, traverse une crise vers la trentaine, quelquefois plus tôt, et bien souvent plus tard même, lorsque son mari, absorbé par ses occupations professionnelles, ou ses ambitions, ou ses propres passions, et d’ailleurs l’estimant trop sûre pour douter d’elle, la délaisse, néglige de recourir, pour employer une expression de saint François de Sales, expert à toutes les analyses psychologiques, « à ces menus offices, requis à la conservation de l’amour conjugal. » Balzac avait traité le même thème dans la Femme de trente ans. C’est le thème d’Amoureuse de M. de Porto-Riche, mêlé à celui de la satiété dans l’amour. C’est encore le thème de la Pèlerine écossaise de M. Sacha Guitry : deux époux qui se croient trop certains de leur affection réciproque et ne prennent plus dès lors aucun souci de se plaire l’un à l’autre. Dans la pièce d’Octave Feuillet, Mme de Marsan est au bord de la tentation. Son mari, tout à coup alarmé, supplie son ami, Dessoles, de jouer auprès d’elle le rôle du séducteur, afin de l’avertir à temps. Dessoles se laisse prendre au jeu, mais Juliette de Marsan est bien près d’en faire autant : il faut l’intervention de ses enfants pour la ramener à elle-même. Dans Aimer de M. Paul Géraldy, le souvenir suffit.

Octave Feuillet, cependant, s’impatiente des retards du Gymnase. Car la Crise devait suivre immédiatement le Pour et le Contre. Quelqu’un, à Paris, s’impatiente plus que lui, et c’est son frère Eugène qui s’en va faire des scènes à Montigny, le directeur. Pour un peu, il se ferait accompagner d’un huissier, car enfin, cette pièce, le Théâtre-Français la réclame, et d’ailleurs, n’est-il pas stupide de ne pas profiter du triomphe de le Pour et le Contre ? Mais les théâtres ont leurs mystères qu’il ne faut pas toujours approfondir. Il veut donc retirer le manuscrit. On le lui refuse. Puisqu’on jouera la pièce. — Quand ? — Mais demain. Ou après-demain. — Non, demain. — Eh bien ! soit, demain. On va répéter. Au fait, demain, non. Il faut laisser reposer Rose Chéri. — Alors après-demain... Il est question d’une pièce de Bayard et Scribe, l’Institutrice, et d’une reprise de Diane de Lys. Il ne faut pas qu’elles passent avant la Crise. On le promet à Eugène qui rassure Octave. Rose Chéri, d’ailleurs, est, à son goût, une meilleure interprète que les Brohan, Madeleine et Augustine, à qui sans doute serait