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SILHOUETTES CONTEMPORAINES

IX [1]
M. EDOUARD ESTAUNIÉ

Un romancier qui est presque exclusivement un romancier, qui n’a pas beaucoup écrit ou, du moins, qui n’a pas beaucoup publié, mais dont chaque œuvre patiemment mûrie a conquis des âmes et qui voit aujourd’hui ces âmes former un grand public : c’est M. Edouard Estaunié. Son premier roman, Un Simple, date de 1891 ; son dixième, que les lecteurs de la Revue ont lu avec un si ardent intérêt, vient de paraître en librairie ; l’Appel de la Route. Si vous y joignez un petit livre d’impressions d’art recueillies au cours d’un voyage en Hollande, vous avez tout son bagage. Mais, même en un temps de surproduction littéraire, on n’en a pas besoin d’un plus lourd pour affirmer sa maîtrise et son originalité.

Aucune réclame, aucun appel à la publicité. Ses livres ont cheminé tout seuls. Il ne les a accompagnés ni chez les critiques ni dans les bureaux de rédaction. Il n’a fait partie d’aucune école, d’aucune chapelle. Il semblait vivre à l’écart de son œuvre, alors que son œuvre était l’essentiel de sa vie. Il la poursuivait lentement. Il ne profitait même pas d’un sourire de la fortune pour hâter sa marche. Il ne craignait pas de se laisser oublier dans ses longues périodes de silence dont l’une a dépassé six ans. Loin d’exploiter le succès, il semblait s’en défier

  1. Voyez la Revue des 15 janvier, 15 mars, 15 avril, 15 mai, 15 juin, 15 juillet 1920, 15 juin, 15 juillet 1921.