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Lireux, et Janin que plus tard il maudira et traitera comme un misérable, n’ayant pour mesure de ses jugements que les succès et les intérêts de son frère, ce qui est un critérium infaillible et commode, et Paul de Saint-Victor dont il cite en exultant la conclusion : « Que cela est fin, précieux, attendri, quel chaste enjouement, quelle insinuante bonté ! Et ce style, un tissu de soie et de lumière ! Il y a là des mots qui vont tout droit se loger dans le cœur et qui y restent et qui le parfument. Le succès a été comme un charme : on se grisait de ce pur langage, on s’extasiait à ces douces pensées. Savez-vous que ce petit proverbe a déjà été joué quelque chose comme cent fois à Saint-Pétersbourg, et n’est-il pas étrange que ce soit le Scythe qui apprenne à l’Athénien où est l’atticisme ? » On reconnait là le lyrisme de Saint-Victor.

Eugène Feuillet découpe et envoie à sa belle-sœur tous les bons articles. Une belle dame lui montre une lettre d’Arsène Houssaye, alors directeur de la Comédie-Française, qui surnomme Octave : Marivaux II. Il n’a de cesse qu’il n’ait obtenu la remise de cette lettre pour l’expédier à Valérie qui la mettra dans sa collection d’autographes Et de fait, la lettre, — inédite, — est jolie et vaut d’être transcrite :


« Chère Madame,

Où est donc Octave Feuillet ? Je l’attends toujours avec la Crise. La porte de la Comédie-Française lui est ouverte à deux battants comme à Marivaux II. Dites-lui donc de votre plus douce voix qu’il est reçu d’avance par cet affreux comité, quel que soit le feuillet qu’il tourne.

A vous,

ARS. HOUSSAYE. »


Eugène s’applaudit d’avoir provoqué le voyage d’Octave à Paris et de l’avoir poussé à laisser jouer le Proverbe avant la Crise. « Il n’est pas possible, déclare-t-il, de frapper un plus grand coup qu’il ne l’a fait avec ce petit instrument. » Et il retourne à la pièce presque chaque soir, trouvant adorable ce public qui applaudit son frère :

« Les mots ont été saisis, hier surtout, de manière à ne plus rien laisser à désirer. J’étais tout seul dans une petite loge qui est sur le théâtre, et je voyais le public de face. C’était charmant