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bien aise de n’avoir pas prévenu Octave, il aurait été dans le cas de tout arrêter ! Oh ! ah mais !

« Le soir, j’ai trouvé chez le Portier les billets qui m’étaient destinés, et me suis occupé de les placer de la façon la plus avantageuse pour toi.

« Enfin voici le moment. Je passe ma revue : voilà Philippe, Paul, Parfait, Cousin, Froment, Félix, Philippoteaux, Michaux, M. de Montcloux si chaud lui, trois ou quatre dames pour battre du gant blanc sur l’utrecht de la loge, ce qui fait si bien ! Voilà une baignoire d’où vont sortir les murmures flatteurs qui poussent le parterre. C’est très bien cela, quelques chauds amis ne feraient pas mal là-haut à l’amphithéâtre des deuxièmes loges. Voici quelques jeunes camarades du ministère qui vont bien faire l’affaire. Allons, c’est bien, je suis content : allez, la musique ! Mais qu’est-ce que j’aperçois à la galerie ? Oui, c’est bien elle ! C’est Aurélie ! La voilà bien près de son divin époux ! près aussi de sa mère, reconnaissable à son chef branlant ! Je vais leur dire bonjour. Leur témoigner le gré que je leur sais, d’être venus pour favoriser le succès : voilà des bons de plus. Allons ! allez donc la musique ! on joue une pièce de Clairville et Cordier : fameux comme repoussoir ! Voilà Janin dans la baignoire d’avant-scène. Tiens Hetzel-Lévy et Cie. Je lui ai donné deux places pour ses frères, Gaïffe, etc., etc. Le Bourgeois de Paris est fini. La salle est très pleine, on met le tapis, on bouche le trou du souffleur et on abat sa petite machine. Le chef d’orchestre disparait et se met au niveau de ses compagnons. Ils jouent un petit frou-frou. Le rideau se lève. Quel ravissant petit intérieur ! Quel bon feu dans la cheminée ! Quelle jolie créature dans cette belle robe de chambre de damas blanc, je crois ! Ce doit être au moins une marquise, si j’en juge par sa distinction et par le luxe et le confort dont elle est entourée, ces candélabres, ces jardinières remplies de fleurs, ces parfums de femme comme il faut, ce tapis moelleux. Nous ne sommes pas chez un savetier, que je crois. C’est aussi l’avis de la baignoire n° 13, je pense, car j’en entends sortir le murmure flatteur, et le parterre est empoigné. Rose Chéri parle, on n’est plus qu’oreilles. Je remarque que les savants sont restés bêtes, mais on ne parle plus du fluide qu’ils n’ont pas. Encore un coup de ciseau. Le sourire le plus charmant règne sur tous les visages. Et le mot charmant, et le mot ravissant, se promènent de