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trouver révoltant que l’on appelât les savants des bêtes sans fluide. Et plus loin, il a semblé à Montigny comme à moi, que la même dame pourrait trouver très immoral qu’un mari rentrât avec sa femme dans sa chambre à coucher. — Si c’était un amant, à la bonne heure ! Cela se voit tous les jours au théâtre, et la Censure n’y trouve rien à dire. Mais un mari et sa femme ! C’est une infamie ! — En état de grâce ! dans la situation et dans le ton où il était dit, nous avait semblé le plus scabreux de tout. J’ai demandé à Montigny s’il voulait que j’allasse à la Censure. Il m’a dit qu’il y enverrait Monval, et que le soir, il me rendrait compte de ce qui se serait passé. J’ai attendu le soir impatiemment. Crac ! voilà qu’au moment de jouer le Pressoir, Le Sueur tombe malade. La première pièce était jouée qu’on ne savait pas encore comment faire, et ce qu’on ferait avaler au public à la place de ce qu’il venait voir. On court après des acteurs pour jouer Philiberte, le public s’impatiente. On lui dit qu’il peut s’en aller s’il veut, qu’on lui donnera des contremarques pour voir le Pressoir, quand on pourra le jouer. Tout est sens dessus dessous. Pas moyen de parler à ces messieurs. Je m’en vais sans rien savoir. J’ai passé une mauvaise nuit. Le lendemain, j’y retourne. Ces messieurs n’y sont pas. J’ai passé une nuit détestable. Enfin dimanche, j’ai flâné deux heures et demi devant le théâtre, attendant quelqu’un à qui je pusse m’adresser. Voilà Dupuis qui arrive à midi. Je saute dessus, le questionne. Et j’apprends que c’est à la fin que la Censure s’est adressée, qu’elle ne veut pas que le mari s’en aille avec sa femme dans la chambre à coucher. J’en étais sûr. Qu’il ne faut pas que la femme lui demande s’il est en état de grâce, qu’il ne faut pas non plus qu’elle lui dise : Venez en paix et ne péchez plus, que ce sont des paroles de l’Evangile, et qu’elles doivent être respectées. Il faut, de plus, pour sauver ce que la situation a de scabreux, il faut absolument que le Marquis appelle la Marquise : Ma chère femme, au moins une fois. N’est-ce pas gentil ? C’est qu’il n’y a pas à flûter, comme dit Dupuis : il faut en passer par là Mais comment a-t-on arrangé cela ? Montigny a demandé à Janin de remplacer les mots qu’on supprimait, et de placer : ma chère femme. C’est fait, ah ! cela ne va pas trop mal. Et nous jouons demain. — Mais vraiment cela ne va pas trop mal ? — Non, vous verrez ! Allons, tant mieux. Alors, je suis