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femme dans l’alternative de vous tromper ou de mourir d’ennui. Une vertu, si solide qu’on la suppose, a besoin de quelque encouragement et d’un peu de soutien : vous lui refusez l’un et l’autre. » Comme on le voit. Octave Feuillet se fait le champion de la femme dans le monde. N’est-elle pas toute soumise à son cœur ? Donnez-lui l’amour, et elle sera prête à tous les sacrifices. Dumas fils et Paul Hervieu, tour à tour, prendront le même parti. Il faut en convenir : au théâtre, le mari est d’habitude un personnage moins sympathique que sa femme. Il faut que celle-ci soit une terrible coquine pour lui restituer l’amitié d’une salle de spectacle. Je me hâte d’ajouter que le marquis ne manque pas de se rendre aux bonnes raisons de la marquise, laquelle, il est vrai, défait devant lui son admirable chevelure, et que même, renonçant à rejoindre la coquette Mme de Rioja qui l’attend, il s’apprête à reconduire sa femme jusque chez elle. — Êtes-vous en état de grâce ! lui demande-t-elle avant d’y consentir. Ou plutôt, lui demandait-elle. Car le Pour et le Contre eut maille à partir avec la censure. C’est ce que raconte Eugène à Octave dans la lettre que voici, écrite le lendemain de la première :


« Ah ! ah ! mon cher ami, voilà qui est fait ! et bien fait ! C’est passé, et bien passé. Je t’avais dit que cela devait être lundi, — ç’a été en effet pour lundi. — C’était hier au soir !

« Dois-je te dire d’abord que le succès a été celui que j’attendais ! — ou commencer par les embarras ? — Bah ! je vais procéder par ordre.

« Je t’ai annoncé l’autre jour que j’avais assisté à une répétition dont j’avais été enchanté. Mais ce que je me suis bien gardé de t’annoncer, c’est qu’à cette même répétition, Montigny m’avait appris que la chatouilleuse censure avait fait demander l’auteur le matin, qu’il ne pouvait s’imaginer ce qu’elle trouvait de répréhensible dans le Pour et le Contre, que ça l’ennuyait un peu, et que nous allions encore voir à cette répétition s’il y avait en effet quelque chose qui put l’irriter. Je n’ai pas trouvé, quant à moi, qu’il y eût de quoi émouvoir une sensitive, et j’aurais donné le prix Montyon bien volontiers à l’auteur sans que Montigny y eût trouvé à redire. Cependant, en pesant bien les mots, il m’a semblé, au passage, que dame Censure qui est bien plus sensible que la sensitive, oui, pourrait