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parfums. Jamais je n’avais rien entendu de semblable. Je m’arrête tout court, et je dis à Paul : écoutez donc ! — Oh ! c’est étonnant ! c’est étonnant ! N’est-ce pas ? Mais est-ce qu’il ne vous semble pas que cela manquait à cette nuit pour la faire complète ? C’est ravissant. — Mais qu’est-ce que cela peut être ? — Mon cher, pour moi, lui dis-je, je n’ai jamais entendu de harpe éolienne, mais voilà l’effet que je me suis toujours imaginé qu’elles doivent produire. Et je voudrais en avoir une, si c’est là leur musique. — Une femme blanche, appuyée sur une grande harpe d’ivoire, argentée par les rayons de la lune, au milieu du brouillard transparent, nous eût apparu tout à coup, au versant du coteau, qu’en vérité cela ne nous eût pas surpris. — Mais qu’est-ce que c’est donc ? Sont-ce des insectes nocturnes ? Est-ce notre étrange cocher qui pincerait de la lyre, par là dans un coin ? — Enfin, je découvre le siège de cette harmonie céleste : c’est le Télégraphe électrique. — Tu verras qu’un jour on fera de cela une grande musique continue, tout autour de la terre, les quatre ou cinq cordes de métal tendues sur des ronds de porcelaine qui font chevalet, vibrent à l’air du soir. Et pour peu qu’elles se trouvent accordées en tierces ou en quintes comme celles qui nous ont tant fait de plaisir, voilà un magnifique instrument. — A partir du moment de cette découverte, nous nous arrêtions au pied de chaque poteau pour écouter. Le poteau vibre lui-même d’une manière très sensible. »


Enfin, le Pour et le Contre est représenté au Gymnase (24 octobre 1853). Il inaugure la nouvelle manière d’Octave Feuillet, auteur dramatique : une moralité ou une observation d’ordre général enclose dans un petit drame intime. Cette moralité d’ordre général, c’est l’égalité de l’homme et de la femme dans la fidélité à la foi conjugale. Comme on le voit, c’est l’idée même de Francillon. Deux personnages seulement : le marquis et la marquise. « Ainsi, dira la Marquise à son époux qui s’apprête à la tromper, vous n’oseriez en honneur violer les conventions arrêtées entre vous et votre valet de chambre, mais la foi jurée à votre femme, l’échange de serments faits entre elle et vous au pied de l’autel, à la bonne heure celai » Elle ne se contente même pas de ce beau raisonnement, elle veut encore que l’homme soit responsable des fautes de sa femme : « Avouez, ajoute-t-elle, que le plus souvent vous placez votre