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britannique. Dès lors, pour punir l’Allemagne et la Russie soviétique d’avoir un moment troublé sa sérénité d’apôtre de la réconciliation universelle, c’est à la France qu’il s’en prend. Son but, explique l’Observer, est de « remplacer, par un idéal plus élevé, les antagonismes belliqueux et la mentalité de guerre ; » or, la mentalité de guerre qui donc l’a gardée ? Ce n’est pas l’Allemagne, ce ne sont pas les Bolchévistes qui viennent de donner, par l’accord de Rapallo, un gage de leur esprit de paix et de leur respect des traités, c’est la France qui ne rêve que d’écraser les vaincus et d’établir sur l’Europe son hégémonie. L’Angleterre ne veut pas d’hégémonie, M. Lloyd George nous en avertit ; voilà le grand mot lâché, le mot qui explique et la mentalité, pour nous si impénétrable, d’un homme d’État qui reçoit directement du Ciel ses grandes inspirations humanitaires, et les craintes maladives, mais traditionnelles et irraisonnées, d’une partie de l’opinion anglaise. Elle croit à l’hégémonie française sur l’Europe, et c’est pour la prévenir qu’elle manœuvre ! M. Lloyd George s’emporte presque jusqu’aux menaces ; son ton est cassant, amer : si la France fait échouer la Conférence, elle sera au ban de l’opinion et il ira, lui, devant son Parlement, pour expliquer à qui incombent les responsabilités. Ici, M. Lloyd George n’a-t-il pas montré le bout de l’oreille ? Ce qu’il veut, ne serait-ce pas que la Conférence, dont il est trop fin pour ne pas sentir les dangers, n’aboutisse à rien, mais qu’il en puisse jeter sur d’autres, sur nous, la responsabilité ? Excellent thème à développer pour les élections générales qui se feront en juin et que la Conférence a d’abord pour objet de préparer. Gêneur, M. Poincaré, qui a saisi la Commission des Réparations et la Conférence des Ambassadeurs des violations du Traité de Versailles qui résultent du Traité de Rapallo. Gêneur, M. Barthou, qui insiste et qui finit par obtenir qu’on ajoute à la réponse à la note allemande, par laquelle la délégation du Reich accepte, non sans chicanes, son exclusion de la commission des affaires russes, une phrase stipulant que « les signataires réservent expressément pour leurs Gouvernements le droit de tenir pour nulles et non avenues toutes les clauses de l’accord de Rapallo qui pourraient être reconnues contraires aux traités existants. » Gêneur M. Bratiano, qui, au nom de la Petite Entente, signale en excellents termes le danger que fait courir à la Roumanie, à la Pologne, l’entente germano-bolchéviste, et qui insiste sur la nécessité, pour tous ceux qui ont la garde de la paix, « de s’appuyer fortement sur les auteurs du Traité de Versailles. » Gêneur encore, et rabroué, le vicomte Ishii, l’éminent