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Pravda : « Nous devons rapidement restaurer notre prospérité financière pour transformer la Russie en base économique du développement ultérieur de la révolution européenne, qui est surtout empêchée par notre faiblesse ;… tels sont les intérêts de la révolution mondiale. »

Les premiers discours posent la question de l’organisme supranational qui concrétisera la vie collective de l’Europe nouvelle. Le Conseil suprême a fait son temps puisqu’il n’était que le syndicat des vainqueurs en face des vaincus ; la Société des Nations pose trop de conditions à l’admission ; aussi M. Tchitcherine émet-il l’idée d’un congrès universel chargé de réaliser la Ligue des peuples sur le principe de « l’égalité de tous les peuples ». La manœuvre est patente : il s’agit d’une Ligue désarmée où l’influence dominante, cessant d’appartenir aux vainqueurs de 1918, passera à la Russie révolutionnaire appuyée par tous les « peuples » de l’Asie qu’elle entraînera dans son sillage. Il fallait, dès le début, dût la France être accusée de faire de l’obstruction, couper court à ces manœuvres. M. Barthou l’a fait avec beaucoup de décision et de vigueur et M. Lloyd George, avec plus de bonne humeur et moins de précision, l’a appuyé. M. Barthou demanda encore si la délégation des Soviets acceptait toutes les conditions de Cannes ; le président, M. Facta, escamotant la difficulté, affirma que la présence des délégués russes et leur silence étaient un acquiescement. La suite des événements a déjà montré que, selon le mot historique, si cela allait sans dire, cela eût été mieux en le disant. « La pire des attitudes serait celle d’où naîtrait un malentendu, » avait dit M. Barthou ; les habiletés de M. Facta ont exposé à ce risque la Conférence. « Si la Conférence commence dans l’équivoque, elle finira dans le gâchis. » C’est une prophétie du Journal des Débats.

Les négociations et les discussions en commissions, durant la première semaine, furent assez calmes. La commission des affaires russes se trouvait arrêtée par la question des dettes, la France exigeant la reconnaissance formelle, par le Gouvernement des Soviets, des dettes de l’ancien Empire, les Bolchévistes ripostant par une fantastique demande de réparations pour les dommages que les guerres civiles, suscitées, disent-ils, par les Alliés, ont fait éprouver à la Russie, quand, le lundi de Pâques, 17 avril, éclata comme une bombe la nouvelle qu’un traité avait été signé la veille à Rapallo, à l’hôtel où réside la délégation russe, entre la République fédérative communiste des Soviets russes représentée par M. Tchitcherine et le Reich allemand représenté par M. Rathenau. Le traité annule les créances respectives des deux États à l’égard l’un de