Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/235

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme cherchant l’occasion de naufrager la Conférence ; plusieurs journaux italiens se distinguent par leur zèle à jeter la suspicion sur les actes de la délégation française ; ils pratiquent l’art subtil de tourner les faits, adroitement sollicités, à son détriment. La lettre même de Pie XI à l’archevêque de Gênes est présentée comme un avertissement « à certaine Puissance dont l’attitude est intransigeante.» (Stampa.) Cette lettre a été très commentée : opportune dans son principe, louable dans ses intentions, elle a prêté, par certains de ses termes, à des rapprochements, malveillants à notre égard, avec le ton général de la presse italienne. L’Osservatore romano a dû protester contre ces interprétations tendancieuses. Il a été ainsi démontré une fois de plus que l’indépendance du Saint-Siège à l’égard du Gouvernement royal et des partis doit être non seulement réelle, mais évidente, indiscutable.

Les journées qui ont précédé l’ouverture de la Conférence et celles qui l’ont immédiatement suivie marquent le moment où la singulière conjuration internationale qui tend à dépeindre la France comme un pays militariste, impérialiste, qui veut imposer par la force son hégémonie à l’Europe, a atteint son point culminant. Nous en voyons les effets ; elle a été capable de séduire et de tromper même quelques-uns de nos plus sûrs amis. Qui en pourrait suivre les fils souterrains et en dévoiler les origines, qui comprendrait comment on manie l’opinion, cette force souveraine des âges démocratiques, et comment on en joue à certaines fins, serait mieux édifié sur les réalités de la vie politique que toutes les chancelleries. La France est venue à Gênes, prête à « collaborer de toutes ses forces et de tout son cœur, » — comme le télégraphiait M. Poincaré à M. Facta, — à la restauration économique de l’Europe, avec un programme concret, pratique ; « travaillons en profondeur, non en largeur, » disait M. Cotrat en prenant possession de la présidence de la Commission économique. Au contraire, la préoccupation des délégués de la Russie soviétique et de l’Allemagne est d’étendre le champ d’action de la Conférence, d’y faire entrer la question des réparations, celles surtout de la révision des traités et de l’entrée de la Russie bolchéviste, reconnue de jure, dans la Société des Nations et dans le concert des grandes Puissances. Sous couleur de réorganisation économique et financière, c’est en réalité, pour les bolchévistes, de sauver leur pouvoir et de répandre leur révolution qu’il s’agit. Dans la conférence communiste préparatoire à la Conférence de Gênes, le gérant du Commissariat du Peuple aux finances n’a-t-il pas dit, selon le procès-verbal publié par la