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sa carrière sans aucune ambition personnelle, beaucoup plus intéressé par celle d’Octave, ne quitta jamais Paris qu’il adorait, sauf pour Charenton où il fut nommé percepteur, prit sa retraite en 1878 et se retira à Champigny où il mourut en 1891, un an après Octave, et peut-être du chagrin de sa mort. Il fut un modèle d’amour fraternel.


III. — LE POUR ET LE CONTRE

Le Pour et le Contre est un proverbe que la Revue avait publié dans son numéro du 1er juillet 1849. Buloz retrouvait avec Octave Feuillet la veine des comédies de Musset. Et de même que le Caprice, Il ne faut jurer de rien, les Caprices de Marianne avaient passé de la lecture au théâtre, les scènes et proverbes de Feuillet allaient, à tour de rôle, sous l’impulsion vigilante d’Eugène, affronter les feux de la rampe.

La Révolution de 1848 n’avait pas troublé longtemps la vie parisienne, et le coup d’Etat du 2 décembre 1851 pas davantage, à en juger par les lettres d’Eugène Feuillet qui envoie à Saint-Lô ces notes datées du 5 décembre :

« Je crois que tout est fini. On le dit généralement, et ce que j’ai vu de Paris aujourd’hui semble indiquer qu’on ne se trompe pas. Du reste, en voilà bien assez comme cela : on ne peut rien imaginer de plus affligeant que ces batailles dans les rues. Et habiter Paris, en ces jours où retentissent d’instant en instant les bruits du canon et de la fusillade, donne une surexcitation, une fièvre résultant de la tension des nerfs, qui empêche de dormir. Cette insomnie m’a permis de juger que jamais la rue de Chabrol et ses environs n’avaient été plus tranquilles la nuit, mais la tranquillité extrême a dans ces circonstances elles-mêmes quelque chose d’agaçant. Enfin, lorsqu’à l’aube j’ai entendu le pavé retentir du bruit de quelques voitures, j’ai éprouvé une véritable satisfaction, car hier soir, au train dont les choses allaient, on pouvait bien supposer que Paris serait, ce matin, hérissé de barricades. Il n’en est rien. Dieu merci, et je suis venu au ministère sans rencontrer d’obstacles... »

Et plus loin : « Le calme partout : les ouvriers travaillent comme à l’ordinaire. »

Au théâtre, le drame romantique agonisait, malgré les reprises de Richard Darlington, d’Antony et de Chatterton.