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de tentatives, autant de réussites. Tes doutes sont de l’ingratitude, tes récriminations de ne pas changer un iota pour compléter une œuvre pareille à ta dernière comédie, seraient de la folie. Vlan, tant pis !... »


Quel diplomate ! Comment n’obtiendrait-il pas d’Octave ce que personne encore n’en a pu obtenir : ce changement qui perfectionnera Péril en la demeure et assurera son triomphe ? Il le flatte, il le caresse, il le cajole, et, quand il l’a ainsi amadoué et mis au point, il formule la demande. La maison de la rue Torteron est étroitement reliée par ses lettres à tout ce qui se passe à Paris, ou du moins à tout ce qui, à Paris, intéresse Octave. Cet habile homme a le cœur le plus tendre. Le voilà tout heureux parce que Valérie lui a écrit que ses lettres faisaient du bien à Octave : « Tu me dis, ma chère amie, que mes lettres donnent un moment de bonheur, de repos à Octave. Que je voudrais donc pouvoir allonger mes lettres pour accroître la durée de ce moment-là !... » Il écrit à bâtons rompus, et fort gentiment, mais il écrit sans arrêt. Et même il se plaint qu’on le néglige. Il se plaint de toute la maison qui n’écrit pas, ou pas assez, sauf d’Octave qui a tous les droits s’il travaille. Mais ces plaintes même sont aimables et il ajoute : « Je n’imagine pas qu’on puisse être mieux monté que moi en famille. »

Ses lettres portent presque toutes l’en-tête du ministère des Finances, sauf celles qui sont écrites en hâte au café après des premières représentations. Seul, un employé de ministère pouvait en écrire de si longues. Et quelquefois il ajoute un post-scriptum quand il a noirci plusieurs feuilles ou qu’il a fait dans sa journée force courses utiles à Octave : « Je termine, ma chère petite Valérie, car il faut que je gagne un peu l’argent de l’administration qui m’emploie. » Ailleurs : « Je ne sais pas pourquoi on ne me met pas à la porte du ministère. C’est probablement parce que je suis presque toujours absent. »

La correspondance d’Eugène Feuillet avec Saint-Lô va de 1850 à 1858, c’est-à-dire du retour d’Octave au pays natal jusqu’à son retour à Paris après la mort de leur père. Il remplace l’absent au théâtre, à la Revue des Deux Mondes et chez l’éditeur Michel Lévy. Il accentue les succès et atténue les ennuis et les difficultés. Quand son frère revint, l’ancienne intimité reprit instantanément. Elle n’avait, de fait, jamais cessé. Il continua