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fait venir à Gènes pour… ne pas assister à une discussion qui tient toutes les autres en suspens, et dont l’objet leur est d’ailleurs à peu près indiffèrent.

« Mais venons à la Conférence elle-même. Nous avons le sentiment qu’en la convoquant, les Gouvernements alliés ont mis la charrue devant les bœufs. Quelle décision utile voulez-vous qui soit prise, touchant la reconstruction économique de l’Europe, tant que le problème des réparations n’est pas résolu ? Voyez-vous le moyen de régulariser le cours des monnaies, de rétablir les trafics et les échanges internationaux, avant que soient connues les positions respectives de l’Allemagne et des Puissances dont l’Allemagne est débitrice ? Voilà un premier point.

« En second lieu, nous avons tous la conviction, nous, les neutres, que cette Conférence, en dépit de l’étiquette dont on l’a affublée, est moins économique que politique. L’Angleterre est venue à Gênes avec l’intention bien arrêtée d’obtenir pour le Gouvernement des Soviets la reconnaissance de jure, sans laquelle ses financiers ne voudront pas risquer une livre sterling en Russie, ni ses commerçants une balle de marchandises. La France, de son côté, n’a consenti à envoyer ici des représentants qu’à la condition de voir reconnaître par le Gouvernement des Soviets les créances qu’elle possède et les intérêts qu’elle a acquis en Russie sous les Gouvernements précédents. Ces prétentions contradictoires ont inspiré aux Bolchévistes, qui par ailleurs sont d’accord avec les Allemands, une tactique bien naturelle : ils feront tout pour obtenir la reconnaissance de jure, voulue par l’Angleterre, en même temps que la réduction, sinon l’annulation des créances réclamées par la France. Leurs arguments, vous les connaissez aussi bien que moi : « La France disent-ils, insiste pour un paiement immédiat, dont elle a besoin, mais que nous sommes incapables de faire, quels que soient les engagements auxquels nous viendrions à souscrire. Nous paierons quand nous aurons commencé à produire. Le rétablissement de notre production est subordonné à l’introduction de capitaux étrangers, et ces capitaux ne viendront chez nous que si nous sommes juridiquement admis dans le concert des nations. »

Tout cela, vous le voyez, c’est de la politique ; ou, plus exactement, c’est de la dialectique, ce qui est pire. Les Tchéco-Slovaques,