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Un peu brusquement, le premier ministre d’Italie met fin au débat : déjà la salle de la Conférence avait pris l’aspect et l’allure d’une salle de théâtre.

Il est près de huit heures du soir ; la cour intérieure du palais, avec ses colonnes massives, ses arches basses et ses fenêtres grillées, offre dans les ténèbres un aspect de cour de prison. La pluie fine qui tombait au début de l’après-midi s’est arrêtée ; mais il fait froid, maussade, et cette première journée s’achève dans une atmosphère d’inquiétude confuse et d’obscure mélancolie.


AU PALAIS-ROYAL

Le lendemain, changement de décor : c’est au Palais-Royal que se réunissent les délégués et leurs experts, et c’est là que siégeront, jusqu’au dernier jour, les commissions et sous-commissions entre lesquelles le travail a été réparti. Autant la ville de Gênes se prête mal à la réunion d’une conférence européenne, autant le Palais-Royal semble fait tout exprès pour abriter commodément l’organisme compliqué auquel est dévolue la redoutable fonction de reconstituer l’économie de l’Europe. Sous un porche majestueux prennent naissance deux grands escaliers symétriques, que réunit, à leur sommet, une galerie vitrée. La cour d’honneur, qu’encadrent de trois côtés les corps de bâtiment, se termine du côté de la mer par un portique ouvert sur des terrasses fleuries. Au rez-de-chaussée, les communs abritent un office télégraphique, un poste de police, un bureau de renseignements et même un bureau de tabac. Au premier étage, on n’a aménagé spécialement en salles de travail que les quelques pièces destinées aux séances des commissions et sous-commissions : alignements de chaises cannées, tapis verts, tables en fer à cheval étalent provisoirement leur banalité entre les hautes boiseries blanches et dorées, sous la splendeur des plafonds peints. On a heureusement conservé aux autres appartements leur mobilier d’apparat, tout en y ajoutant çà et là quelques vastes fauteuils de cuir, plus propres aux échanges de vues que les jolies chaises rococo ou les bergères de tapisserie. Dans un des grands salons, on admire, entre tant d’autres œuvres d’art, le plus beau Véronèse qui soit au monde. De la