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de sa fille anglaise Dora avec M. Quillinan. Il semble que le reste lui fût indifférent. Il devait s’éteindre en 1850.

Nous ne pouvons d’ailleurs parler qu’avec une certaine hésitation des sentiments du vieillard, car tout vestige de la correspondance échangée entre la famille anglaise et la famille française du poète a disparu. Il est pourtant certain que la série ne s’est pas close avec la visite de 1820, dont Dorothée dit avoir remporté un agréable souvenir.

Caroline Wordsworth (madame Baudouin) devait survivre douze ans à son père. Elle fut déposée dans la même tombe que sa mère, et ses enfants firent graver sur la pierre ces mots encore lisibles :


A la mémoire de notre mère Anne-Caroline William Wordsworth veuve de M. Jean-Baptiste Baudouin, ancien sous-directeur du Mont-de-Piété, née le 6 décembre 1792, et décédée en 1862.


C’est par la fille aînée de Caroline que le sang du poète s’est transmis. Louise-Marie Dorothée Baudouin fut deux fois mariée. Restée veuve sans enfants en 1849, elle devint, deux ans après, ayant trente-quatre ans, la femme de Théophile Vauchelet (1802-1873), peintre d’histoire qui jouit d’une certaine notoriété sous Louis-Philippe. Élève d’Hersent et d’Abel de Pujol (ce dernier fut témoin à son mariage), grand prix de Rome de 1829, il fît d’abord de la peinture religieuse, mais le Musée de Versailles a de lui plusieurs tableaux d’histoire. Il nous a conservé dans un beau portrait les traits de sa belle-mère, la fille française de Wordsworth.

Mme Vauchelet mourut le 2 octobre 1869, laissant deux filles, aujourd’hui mortes, mais par les enfants desquelles la postérité du poète se continue jusqu’à nous, nombreuse et prospère.


XXI

Au cours de cette histoire on voit deux figures si contrastées que l’illusion de l’amour jeune a seule pu les rapprocher un jour et faire naître entre elles une union passionnée, aspirant à se prolonger, impatiente des conventions et des obstacles. Wordsworth et Annette étaient séparés par la langue, par les sentiments politiques, par les goûts, par le caractère. C’est le jeu du hasard qui mit en présence ces natures aussi opposées