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sa bravoure qu’il recevait trois blessures, était pris à Olot en Catalogne, le 13 avril 1811, et bientôt transporté en Angleterre. Là, au cours de trois années de captivité, il eut à la fois l’occasion d’apprendre la langue du pays et celle de connaître les Wordsworth. Ses relations avec eux devinrent assez étroites pour que Dorothée le désigne en 1814 comme « notre ami Baudouin. » Il est probable que quand la paix lui rouvrit la France, il fut chargé par le poète de quelque message pour Annette. Ce fut le point de départ d’une liaison rapide entre les familles Vallon et Baudouin. Outre son frère le colonel, Eustace en avait un autre, Jean-Baptiste-Martin, alors chef de bureau au Mont-de-Piélé. Ce dernier âgé de trente-quatre ans s’éprit de Caroline Wordsworth, qui en avait vingt-et-un, demanda sa main et fut agréé. C’est ce mariage qui forme le thème principal des premières lettres de Caroline à Mrs Clarkson après la Restauration.


Caroline et sa mère, écrit Dorothée le 9 octobre 1814, désirent extrêmement que j’assiste au mariage et pour cette raison, m’ont pressée fort de venir en octobre. A moins d’avoir la bonne fortune d’y être conduite sous votre protection et celle de votre mari, nous n’y pouvions songer pour cette saison ; aussi souhaitè-je que le mariage soit différé jusqu’au printemps ou à l’été prochain, parce que je désire extrêmement voir la pauvre fille avant qu’elle ne prenne un autre protecteur que sa mère, sous qui je crois qu’elle a été élevée en parfaite pureté et innocence, et pour qui elle est vie et lumière et plaisir perpétuel ; bien qu’en vertu des dispositions trop généreuses de la mère, elles aient eu à traverser bien des difficultés. Or donc je commençais à dire que j’aurais désiré tout particulièrement que vous eussiez pu les voir en ce moment, car j’aurais pu, par votre intermédiaire, entrer dans certaines explications qui, imparfaitement comme je m’exprime en français, sont difficiles, et parce que vous auriez pu confirmer ou contredire les rapports que nous recevons par la mère de Caroline et par M. Baudouin sur ses qualités intéressantes et aimables. Tous les deux disent qu’elle ressemble de la façon la plus frappante à son père, et ses lettres reflètent un esprit sensible et ingénu. Pourtant il doit y avoir, je pense, quelque chose de très défavorable à la vraie délicatesse dans les mœurs françaises. Toutes les deux, Caroline et sa mère, me pressent de venir en octobre pour la raison que, une fois qu’une jeune fille est promise en mariage, il est désirable que le délai soit ensuite aussi court que possible, car elle est exposée à un examen perpétuel et à des remarques déplaisantes, et l’une des raisons qu’elles invoquent pour le mariage en