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paraissait presque désespéré, lorsque le génie stratégique d’une de ses sœurs, probablement Annette, le sauva.

Paul arrivait, accompagné d’elle, en janvier 1804, dans le Bourg de Saint-Dyé, situé sur la Loire, un peu en amont de Blois. ils y venaient pour recueillir un maigre héritage. Or, dans ce même bourg, vivait le notaire Puzéla, monarchiste notoire, dont les aventures sous la Révolution ont été retracées par sa fille Marie-Catherine dans ses Mémoires récemment publiés ‘[1].

Louis Puzéla (1748-1806), passionnément attaché à la cause royale et catholique, s’était lancé avec un sombre emportement dans la lutte contre la Révolution. Il avait subi plus de quatre mois d’incarcération sous la Terreur, et sa fille aînée Marie-Catherine, alors âgée de dix-sept ans, pour alléger les souffrances physiques d’un père maladif et pour le soutenir de son amour filial, avait volontairement partagé sa prison. Délivré inespérément, Puzéla s’était fixé comme notaire à Saint-Dyé, où il vivait avec son héroïque fille et la sœur cadette de celle-ci, auxquelles son humeur ascétique et farouche imposait une dure contrainte. Ne pouvant supporter l’idée de les voir exposées aux tentations profanes, il leur interdisait toute distraction et toute sortie. Il ne tolérait pas que l’aînée cherchât quelque divertissement dans la musique ou dans la lecture. La pensée qu’elle pourrait se marier lui était odieuse. Il l’employait comme son clerc afin qu’aucun jeune homme n’eût accès dans sa maison.

A ce régime Marie-Catherine dépérissait. Elle finit par tomber dangereusement malade. Elle fut même aux portes de la mort. Un célèbre médecin parisien, le Dr Chambon de Montaux, était alors à Blois, mais n’avait-il pas, comme maire de Paris, en 1793, fait partie de la commission chargée de notifier au roi la sentence de mort votée par la Convention ? Peu importait qu’il eût résigné ses fonctions aussitôt après, et été persécuté par les terroristes. Pour Puzéla ce n’était rien moins qu’un régicide.. « Pour lui-même, nous dit sa fille, il eût mieux aimé mourir que de le voir, mais pour moi il y consentit. » Mais il faut citer ici une page des Mémoires :


M. Chambon vint. Il resta près de moi un jour entier, suivit ma maladie, déclara à mon père qu’elle venait d’un genre de vie peu fait pour mon sexe, pour mon âge et même pour mon caractère, autant

  1. Mémoires de Mme Vallon, Souvenirs de la Révolution dans le département de Loir-et-Cher, publiés par Guy Trouillard. Paris, 1913.