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de la Paix pour obtenir de lui la permission d’exporter des piastres.

Mais la fortune ne lui sourit pas longtemps. Elle passe en Portugal. Là c’est un temps de misère, et Paul, selon une tradition de famille, aurait pour vivre dû charger des bateaux d’oranges dans le port de Lisbonne. Du Portugal, ils se rendent en Angleterre, d’où, après trois mois passés à Londres, ils s’embarquent pour la Hollande. Ils séjournent ensemble tout l’hiver, — de novembre 1802 à mars 1803, — soit à Amsterdam, soit à la Haye. Mais à ce moment la police consulaire commence à s’inquiéter de l’aventurière et à la soupçonner d’intrigues politiques. Son passage par Londres la rend suspecte. Sans doute la paix avec l’Angleterre n’est pas encore rompue, mais chacun sait que c’est une simple trêve entre deux ennemis acharnés. Dès le 21 janvier 1803, le Commissaire général des Relations commerciales de la République française en Batavie adresse d’Amsterdam un rapport à l’ambassadeur français Semonville à la Haye. Il lui signale l’arrivée de Mme de Bonneuil à Amsterdam le 18 novembre 1802 avec « une personne de seize à dix-sept ans, d’une figure charmante, qu’elle appelle sa nièce et qu’elle traite fort mal ; un Anglais d’environ quarante ans, assez bien de figure, d’une taille ordinaire, et qui se fait appeler Lord Spenser, et enfin avec un petit homme brun... âgé d’environ trente ans, qui se nomme Vallon et qu’elle dit être son secrétaire... » Elle entretient une correspondance très active. « Outre un secrétaire qui ne la quitte pas et qui paraît très occupé, elle écrit elle-même sans cesse. »

Paul Vallon devait la quitter en mars 1803 pour retourner à Paris. Etait-il encore avec elle le 13 mars, lorsque Mme de Bonneuil reçut la première visite de l’agent de police Mackenem ? Cet agent, qui semble avoir été très plein d’humour, nous a laissé de curieux récits détaillés de ses entretiens avec l’aventurière.

Elle est soupçonnée par le Premier Consul d’intriguer contre lui, contre sa vie, avec les Anglais. Mackenem se présente à elle comme un ci-devant ruiné par la Révolution, mais jadis fort lié avec Bonaparte qui lui a conservé sa bienveillance. Mme de Bonneuil de son côté prétend avoir des secrets de conspiration à livrer au Premier Consul, mais à lui seul. Il s’agit d’Anglais qui veulent l’assassiner. L’agent s’étonne qu’on ait « pris une