Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je veux lui faire aimer les étoiles des nuits,
Et, pensive, prêter l’oreille aux vagues bruits,
A ce capricieux murmure
Venu des lieux secrets où dansent les ruisseaux,
Et la grâce qui naît du murmure des eaux
Se répandra sur sa figure.


L’autre titre de Lucy, c’était d’être Anglaise. Sans doute, c’est l’ennui de son séjour en Allemagne, triste comme un exil, qui arrache au poète le vœu de ne plus jamais quitter sa patrie. Sans doute, son temps de France avait été tout différent et il avait alors grondé contre la nécessité qui le rappelait à Londres. Mais maintenant, c’est toute contrée étrangère qu’il abjure. Il se réconcilie avec sa patrie sur la tombe de Lucy :


Avant de vivre outre la mer
Parmi des inconnus,
Je ne savais pas, Angleterre,
De quel cœur je t’aimais.

Il est passé, ce triste rêve, —
Je ne veux plus quitter
Ton rivage, car il me semble
T’aimer de plus en plus.

C’est sur tes monts que j’ai senti
La joie de mon désir ;
Ma chérie tournait son rouet
Auprès d’un âtre anglais.

Tes matins montraient, tes soirs cachaient
Les bosquets de Lucy ;
Il est tien, le dernier pré vert
Qu’ont parcouru ses yeux.


De pareils vers furent peut-être écrits sans intention dirigée contre Annette, mais ils passent par-dessus elle et en l’ignorant la condamnent. Elle est justement celle qui ne doit rien au sol. ni au ciel d’Angleterre, celle qui parle une autre langue, celle qui serait en exil dans un village anglais et que ce village s’étonnerait de voir. Surtout elle est l’enfant des villes, qui a toujours vécu la vie de société, la femme au parler copieux qui a toutes les qualités mondaines d’esprit et d’humeur aux- quelles le poète n’attache plus aucun prix, si même il ne les