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LE ROMAN
DE
WILLIAM WORDSWORTH
SA LIAISON AVEC ANNETTE VALLON


XI

Tandis que ces soucis divers absorbaient Annette et détachaient de lui, sinon son cœur, du moins sa pensée, le poète lui-même dérivait peu à peu loin d’un amour qui l’avait longtemps possédé, tour à tour par l’enivrement et par la souffrance. On peut fixer à la fin de 1795 le commencement de cet écart, tout inconscient d’abord. Pendant la Terreur, sa passion avait été tenue en haleine par l’effroi de cette guillotine où il pouvait, sachant sa généreuse imprudence, croire Annette exposée. Il nous a dit les cauchemars qui hantaient son sommeil, sans nous avouer qu’ils n’étaient pas seulement provoqués par des craintes vagues et générales, mais par des angoisses tout intimes et concrètes. Son amour pour la France ne fléchissait d’ailleurs pas. Il voyait les crimes commis, mais aussi les traits d’héroïsme qui brillaient dans ces ténèbres. Il déplorait les actes des maîtres du jour, mais il conservait sa foi dans le peuple « et dans les vertus que ses yeux avaient vues. » Les circonstances avaient fait naître simultanément son amour pour celle qui devenait une ardente monarchiste et son enthousiasme pour la France républicaine. Le sort de ces deux passions

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  1. Voyez la Revue du 1er avril.