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EINSTEIN EXPOSE ET DISCUTE SA THÉORIE.

savent qu’après une étude minutieuse M. Hadamard, le profond mathématicien, successeur d’Henri Poincaré, a proclamé que, mathématiquement parlant, l’édifice einsteinien est d’une parfaite et rigoureuse cohérence, sans une fissure logique, sans un défaut formel ; ceux-là dis-je, avaient été un peu surpris de la nouvelle trompettée dans la presse par celui qui devait, en cinq sec, pourfendre le pauvre Einstein.

M. Guillaume prit donc la parole par un exorde « Mesdames, Messieurs, » qui étonna. Puis, il se mit à aligner ses formules sur le tableau où, roses tendre et bleus, d’ingénieux graphiques avaient été d’avance épinglés. Au bout de quelques instants il devint évident que ce ne serait point encore ce jour-là ni de cette main, qu’Einstein mordrait la poussière. Quand l’orateur eut achevé, il ne fallut pas plus de deux secondes à ceux qui avaient compris, et tous les assistants étaient dans ce cas, pour ramener l’intervention tant claironnée à ses modiques proportions. Interprète de l’opinion unanime (car la chose était si simple, qu’il n’était pas là un élève de mathématiques élémentaires hors d’état de la juger), M. Borel déclara que « toute l’argumentation ne tenait pas debout, car il n’est pas possible d’écrire d’abord les équations de la Relativité, puis d’introduire dans le maniement de ces équations des postulats étrangers et même opposés à ce système. » C’était l’évidence même, telle qu’elle ressort du principe d’homogénéité, de la nécessité d’employer un langage univoque. Réfuter une construction scientifique en y introduisant au préalable des éléments qu’elle rejette est facile, mais ne prouve rien. Prenant à son tour la parole, M. Langevin conclut par ces mots textuels, qui appuyaient une démonstration aussi brève que nette relative à un point connexe : « Le malentendu résulte en somme de ce que M. Guillaume ne s’est pas rendu compte de ce qu’est une onde lumineuse. » — Quant à Einstein, souriant, il se réfugia dans une abstention charitable en prétextant n’avoir rien compris à ce que voulait dire son interlocuteur. Ainsi s’acheva cet incident dont on ne peut dire s’il fut plus bouffon que pénible.

Puis on se remit aux choses sérieuses. M. Langevin exposa d’abord comment il était parvenu à établir les formules de la dynamique nouvelle en partant simplement de la Relativité généralisée et du principe de la conservation de l’énergie. J’ai esquissé naguère, ici même, ces conséquences étonnantes de la