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ments de vitesse, ce qui est précisément un des résidus de l’ancienne mécanique. Il serait aisé de montrer que dans la Relativité généralisée, le paradoxe s’explique encore plus aisément, et cette fois sans rien conserver qui de loin ou de près s’apparente au mouvement absolu. Mais cette démonstration m’entraînerait plus loin que ne m’y autorise la place dont je dispose, et il n’en fut d’ailleurs pas question au Collège de France.

Lorsque s’ouvrit la séance de discussion du mercredi soir 5 avril, M. Langevin pria d’abord ceux qui se proposaient d’intervenir de ne pas parler pendant plus de vingt minutes chacun. « Vingt minutes à ma montre ! » ajouta-t-il au milieu des rires. On ne saura jamais si c’était là seulement une allusion au « temps propre » de chaque système de référence, ou si ce n’était pas plutôt une conséquence de la nécessité pratique de définir les choses par une unité arbitraire peut-être, mais univoque. La seconde hypothèse est peu flatteuse pour les horlogers, mais la première est bien difficile à admettre. Car enfin si jamais observateurs furent attachés rigidement à un seul et même système de référence, ce sont bien ceux qui, empilés en un bloc sans discontinuité sur les petits gradins de l’amphithéâtre de physique, coordonnaient ce soir-là tous les tenseurs de leur esprit sur les axes uniques convergeant dans le cerveau d’Einstein.

Après qu’Einstein et M. Painlevé furent tombés d’accord sur la conclusion indiquée par M. Langevin et qu’il importait d’imposer au débat de la précédente séance, conclusion que j’ai exposée ci-dessus, la parole fut donnée à M. Édouard Guillaume. M. Édouard Guillaume est un physicien suisse. Les jours précédents, la plupart des journaux avaient inséré une note communiquée par les agences annonçant que ce physicien avait découvert dans la théorie d’Einstein des fautes de calcul grossières, et qu’il se proposait coram populo d’établir au Collège de France. Ces erreurs devaient naturellement entraîner l’écroulement complet de la synthèse d’Einstein, la banqueroute totale de ce Law de la Science. À vrai dire, tous ceux qui ont suivi, en connaissance de cause, la suite des développements analytiques de la théorie d’Einstein, ceux qui