Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/147

Cette page a été validée par deux contributeurs.
143
EINSTEIN EXPOSE ET DISCUTE SA THÉORIE.

Plus peut-être que celle de Poincaré, Einstein avoue avoir subi l’influence du célèbre physicien viennois Mach (celui-là même qui découvrit et étudia le premier l’onde de choc que les projectiles rapides entraînent avec eux dans l’air). Mach s’est efforcé autrefois de ramener toute la mécanique à des phénomènes observables, tous les mouvements à des repères et à des supports matériels. Ses idées, qu’il n’a pas pu mener jusqu’au succès faute d’un outillage mathématique et philosophique suffisant, sont en harmonie complète avec les principes mêmes de l’einsteinisme. Pourtant, peu avant sa mort survenue récemment, Mach s’est déclaré hostile à la théorie de la Relativité généralisée. « Mais c’est parce qu’il était vieux, » me dit en souriant Einstein.

Pour ce qui est de Lorentz, qui est assurément le précurseur le plus incontestable d’Einstein, il admet, paraît-il, l’édifice de la Relativité généralisée tout en répugnant à accepter les principes qui sont à la base de la Relativité restreinte. Cette attitude, pour illogique qu’elle puisse sembler, n’est pas faite pour étonner si on se souvient que Lorentz a toujours défendu la thèse de l’éther absolument immobile et de la contraction réelle des corps par la vitesse. Son attitude au regard de la Relativité est en somme, comme on va pouvoir en juger, assez analogue à celle de M. Painlevé. Mais dès maintenant il sied de remarquer qu’admettre la Relativité généralisée revient à admettre ce qu’il y a d’essentiel et de meilleur dans la Relativité restreinte, puisque celle-là ne fut créée par Einstein que pour remédier aux insuffisances de celle-ci, qu’elle englobe d’ailleurs aujourd’hui dans une synthèse plus générale. Qui peut le plus, peut le moins.

La fin de cette première séance de controverse et le début de la séance suivante (qui eut lieu le 5 avril) furent occupés presque tout entiers par une discussion passionnante que souleva M. Painlevé qui, à la joie de ses amis, avait lâché pour quelques heures la politique. Cette discussion a contribué à éclaircir définitivement un des points les plus délicats de la théorie de Relativité restreinte.

Ce fut un fort curieux et intéressant spectacle que cette discussion animée et toujours courtoise dans sa parfaite objectivité. Au vrai, M. Painlevé n’a jamais cessé de témoigner publiquement en toute occasion son admiration pour le génie