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Si on supprime ces deux hypothèses et si on définit le temps et l’espace, c’est-à-dire les longueurs et les durées telles qu’on les observe, c’est-à-dire en tenant compte de la propagation non instantanée de la lumière, on édifie alors une nouvelle mécanique, la mécanique einsteinienne, qui est fondée, comme l’ancienne, sur le principe de relativité, mais qui constitue une application de ce principe débarrassée des hypothèses métaphysiques et a priori du temps absolu et de l’espace absolu.

En un mot, Einstein garde les deux principes éprouvés par l’expérience qui sont à la base de la mécanique classique et de l’électromagnétisme. Par la seule application de ces principes classiques, mais qu’il épure de leurs scories métaphysiques, il construit sans aucune hypothèse spéciale une nouvelle mécanique. Or il se trouve : 1o que cette mécanique einsteinienne rend compte de tous les faits expliqués par la mécanique ancienne et aussi bien que celle-ci ; 2o qu’elle résout immédiatement les incompatibilités que l’expérience de Michelson tendait à manifester entre la mécanique et l’optique ; 3o qu’elle explique et fait prévoir une quantité de phénomènes, de faits relatifs aux électrons et qui échappaient à la mécanique classique ; qu’elle rend compte de certains résultats anciens comme l’expérience de Fizeau et qui constituaient des énigmes pour la science traditionnelle.

Tout cela, — mes lecteurs s’en souviennent, — je l’ai expliqué longuement ici même. Je n’en retiendrai donc que ceci : l’examen ontogénique que nous venons de faire de cet ensemble théorique qui s’appelle la Relativité restreinte, prouve avec évidence que cette première partie de l’œuvre einsteinienne a été édifiée sur des données posées par l’expérience.

La théorie de la Relativité diffère de la doctrine traditionnelle (dont elle explique d’ailleurs tous les résultats) uniquement en ce que et parce qu’elle s’est débarrassée de ce qui subsistait en celle-ci de métaphysique. Personne ne contestera que cela ne constitue une supériorité pour celle-là. Il n’est de science que du mesurable, et c’est assurément améliorer la science que de la débarrasser de ce qui n’est pas mesurable.

C’est pourquoi lorsque les gazettes, avec une touchante unanimité, annoncèrent « l’arrivée à Paris du célèbre métaphysicien Einstein, » elles donnèrent à coup sûr la plus erronée de toutes les nouvelles inexactes qui depuis longtemps aient fait