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Je ne saurais suivre ici pas à pas Einstein dans cet exposé qui a duré deux heures. Pour le traduire d’une manière complète en un langage où les expressions techniques fussent rendues accessibles au lecteur non spécialisé, il me faudrait quelques centaines de pages, d’autant que les mots et les phrases avec lesquelles on peut exprimer ces choses n’ont, hélas ! point la brièveté concise et dense des formules mathématiques. Ce qui peut se dire en cinq minutes, lorsqu’on peut parler librement d’axes de coordonnés, de formes quadratiques, de géodésiques, de formules de transformation, il faut beaucoup plus de temps pour l’exposer lorsqu’on doit d’abord traduire ces données ésotériques on langage ordinaire. Dans sa partie purement didactique, l’exposé d’Einstein a d’ailleurs simplement consisté à rappeler les bases essentielles de sa théorie, et les notions déjà connues de ceux qui m’ont fait l’honneur de me lire[1]. Reste la partie proprement critique et méthodologique de l’exposé, qui donne à celui-ci son originalité, dont je me propose maintenant d’exprimer, aussi simplement que faire se pourra, le profond intérêt et les convaincantes conclusions.

La théorie d’Einstein est née de problèmes posés par l’expérience. Elle est née des faits, et son auteur insiste avec beaucoup de vigueur sur ce point qui a été souvent mal compris. Elle est tout le contraire, — et mes lecteurs se souviennent que j’ai déjà longuement développé cette idée, — d’un système métaphysique.

Quels sont donc les faits sur lesquels la théorie nouvelle a été édifiée, et qui semblaient en quelque sorte l’imposer ? Voici : il y a dans la science classique, dans la mécanique telle que l’ont édifiée Galilée et Newton, un principe qui s’appelle le « principe de relativité » et qui revient à peu près à ceci : à l’intérieur d’un système matériel, d’un véhicule en mouvement de translation uniforme, on ne peut d’aucune manière mettre en évidence ce mouvement par des expériences intérieures au véhicule. Par exemple, dans un train en mouvement uniforme (et abstraction faite des trépidations qui sont préci-

  1. On me permettra de renvoyer le lecteur aux articles où j’ai expliqué ici même les bases expérimentales et théoriques de la théorie de la Relativité restreinte, et, pour ce qui est de la Relativité généralisée, à mon petit volume récent Einstein et l’Univers, dont les conclusions se trouvent, comme on en jugera, en entière concordance avec celles qu’on peut tirer des controverses qui font l’objet du présent article.