Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/131

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

général ont dû le faire souffrir terriblement et hâter sa fin ; mais nul doute qu’il n’ait voulu mourir le premier et se sacrifier à ses jeunes compagnons. » Le lieutenant Pruvost, son détachement, Bernard et Vaslin saluent longuement le tertre où repose celui qui, le premier, a voulu mourir.

« Je décidai d’emmener avec moi le corps du général Laperrine pour le ramener au Hoggar, sauf ordres contraires. Nous préparâmes une civière au moyen de tubes d’aluminium et de toiles de l’appareil. Puis le corps du général fut exhumé le 15 mars à six heures et placé dans la civière, dans l’état où il fut enterré par ses compagnons. Le général est revêtu de sa combinaison d’aviateur’; une musette placée sous sa tête est serrée par un morceau de toile bleue ; les pieds sont nus. Nous avons enveloppé le corps du général dans les toiles de son avion qui portent son insigne, un G, et une cocarde tricolore. [1] »

Sur l’emplacement de la tombe, les Sahariens ont construit une pyramide de pierres sèches d’environ un mètre cinquante. C’est tout ce qui rappellera le drame d’Interbarrakah.

Le 16, le cortège funèbre s’ébranle. Le 26 avril, à 7 heures, il arrive à Tamanrasset. A sa rencontre se portent la garnison, joyeuse le 27 février, douloureuse aujourd’hui, et l’aménokal Moussa ag Amastane, abîmé dans ses méditations. Ils rendent les honneurs au mort et aux survivants. Puis on procède à la mise en bière. Le cercueil s’allonge sous la draperie aux trois couleurs. On le porte dans le petit cimetière où gît le père de Foucauld, auquel le général a fait aménager une fosse : les deux amis vont dormir côte à côte l’éternel sommeil. Le soldat et le moine ont vécu une même vie de sacrifice ; une même fin tragique les a couchés au tombeau ; tous deux égaux dans leur vie et dans leur mort ; tous deux emportent avec eux la vaillance et l’esprit d’idéal du moine et du soldat A l’horizon, quelques dunes ondulent ; un arbre se profile ; les têtes se découvrent : les fronts sont courbés religieusement ; une croix s’érige dans sa rigidité. Le général Laperrine repose. Sa mort héroïque auréole sa tombe.


inclinons-nous bien bas et prêtons l’oreille aux voix qui montent pour célébrer son nom. « Je m’honore d’avoir été l’un

  1. Rapport du lieutenant Pruvost.