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« Nous respectons la consigne. » (Rapport du mécanicien Vaslin.) La soif est si intense que l’appétit diminue : une boite de viande leur suffit à tous trois. Le général devine le découragement de ses compagnons. Il se fait persuasif : la piste n’est pas à plus de cinquante kilomètres ; et la confiance renaît. D’ailleurs on doit les chercher. Allumons un grand feu d’herbes sèches ; tirons trois coups de carabine ; qui sait ? La nuit vient : ils détendent leurs membres las ; ils allongent leurs corps courbaturés.

Mais ce général est un véritable réveille-matin. Le 20, au lever du jour, ils reprennent leur marche obstinée vers le Nord-Ouest ; marche pénible dans le sable mou, où le pied s’enfonce jusqu’au mollet. A huit heures, ils montent sur une dune élevée ; le général braque ses jumelles ; il les laisse retomber, surpris, étonné : il ne reconnaît pas la région. Vers 11 heures, on s’installe comme la veille. Cinq heures plus tard, ils reparlent lentement, péniblement, harassés, appesantis. Au soleil couchant, le général scrute encore l’horizon, se penche sur ses cartes, s’y attarde ; une anxiété assombrit son visage. Ses compagnons guettent sur ses lèvres la parole, de désespérance. Mais, s’il s’avoue déconcerté, il ne se déclare point vaincu. Ils regagneront leur appareil et le plus rapidement possible. Pourquoi s’en être éloignés ? C’est à coup sûr à leur avion que les recherches convergeront, qu’elles ont peut-être déjà convergé. L’espoir les berce ; mais le sommeil ne vient pas : la soif les torture.

Le 21 février, « à l’heure habituelle, » écrit presque en souriant le mécanicien Vaslin, ils reviennent sur leurs pas. Le général va, courbé, déprimé ; seule, l’âme résiste, maîtresse du corps qu’elle anime. Us reconnaissent leurs traces et recoupent des traces de chameaux qu’ils se rappellent, hélas ! avoir vues précédemment. Avec le tube du mousqueton, Vaslin trace dans le sable une flèche dans le sens de leur marche ; à côté, la date 21-2-1920. Leurs étapes deviennent de plus en plus courtes ; à chaque heure, ils tombent plutôt qu’ils ne s’arrêtent. A l’une d’elles, le général a rédigé une note en français et en arabe. « Nous marchons vers notre avion qui se trouve à une quinzaine de kilomètres d’ici. » Il a signé en écriture targui et en écriture arabe. Il a glissé le billet entre deux pierres ; qu’elles lui soient lourdes, pour que le vent ne l’emporte pas ! A onze heures, grand’halle ; la soif a tué la faim. A quatre heures, ils se lèvent, s’encouragent mutuellement ; mais, exténués, trois