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peu de temps, le vent de sable, le maudit vent se lève ; la brume épaissit ; la piste se dérobe aux regards, cette piste que l’on vient de tracer, que l’on a pris soin de parsemer de cercles de pierres blanches ou noires suivant la teinte du sol, cette piste qu’on a coupée, pour la rendre plus visible, de bandes de toile qui forment une croix ; quarante-trois repères ont été établis entre Tamanrasset et Tin Zaouaten par Tin Raro. Cette piste, le général s’y est tenu pendant une dizaine de kilomètres. Mais il est soldat ; il observe les consignes. Or, l’adjudant Bernard, son pilote, a reçu du commandant Vuillemin l’ordre de régler sa marche sur l’appareil de celui-ci en volant en arrière, à droite et plus haut. Le général abandonne donc la piste ; il suit le commandant Vuillemin.

Ses « élèves » s’étonneront plus tard de cette décision. « Ce que je n’ai jamais compris, c’est que le général ait accepté de partir à la boussole et de suivre Vuillemin. Il aurait dû lui imposer l’obligation de ne pas s’écarter de la piste [1]. » « Vuillemin prend la tête, peut-être à tort. Laperrine connaissait la route. <ref> Rapport du lieutenant Pruvost. /ref> ». Mais le rapport de l’adjudant Bernard coupe court définitivement à toute discussion : « A partir de ce moment, nous n’avons jamais revu la piste. »

Il faut atteindre Tin Zaouaten. Là, l’avion Laperrine doit refaire son plein d’essence, car il n’a d’essence que pour cinq heures de vol, alors que l’appareil du commandant peut voler dix heures et parvenir aux régions soudanaises. Mais le général n’a pu se repérer depuis le départ ; il se rend compte que les appareils ont dérivé ; la direction dans laquelle il vole l’inquiète ; mais, malgré tout, il préfère suivre le commandant qui est pourvu d’une boussole compensée. A 10 h.30, l’adjudant Bernard prévient le général qu’il lui reste environ une heure d’essence. A 11 h.30, Tin Zaouaten ne se détache pas sur le fond d’or du désert. Il va falloir atterrir.

Au départ, le commandant Vuillemin a donné à l’adjudant Bernard les instructions suivantes : « Si un appareil, pour une raison quelconque, est obligé d’atterrir et que tout se passe normalement et sur un bon terrain, les passagers mettent le T. et le deuxième appareil atterrit ; si le terrain est mauvais, il survole, repère exactement l’endroit, se rend compte de la situation

  1. Commandant X... Correspondance privée.