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décoré les officiers et les sous-officiers qui rejoignent Alger, décore ceux qui restent, aviateurs et automobilistes, qui ont contribué au succès du raid. L’adjudant Poivre, dans une lettre privée, signale sobrement, mais fièrement : « C’est là et à cette occasion que j’ai reçu du général Laperrine le « Ouissam Alaouit » et ma citation à l’ordre du corps d’armée sur laquelle figure, je crois, la dernière signature que le général a donnée avant son départ de Tamanrasset. » Le général n’oublie pas non plus ses chers Hoggars ; il a dévalisé pour eux les boutiques d’Alger : voici des foulards de soie, voici des bijoux, voici des montres, voici des stylographes, mais oui, des stylographes à Tamanrasset, comme à Paris ; les Touaregs ne sont-ils pas apprivoisés, civilisés, de vrais Français ?

Le 17 au soir, le commandant Vuillemin fait demander un volontaire parmi les mécaniciens du poste de Tamanrasset pour prendre place à bord de l’avion du général Laperrine. Le 18, dès l’aube, un jeune mécanicien qui appartenait à une escadrille de Constantine d’où il avait été dirigé en camionnette vers Tamanrasset, se présente et est agréé ; il s’appelle Marcel Vaslin. Les moteurs des deux avions ronflent. Tout est-il donc prêt ? Non. L’appareil du général Laperrine n’a pas été aménagé pour un troisième passager. Mais au Sahara comme au Sahara ! Le général s’installe sur les genoux de son mécanicien : on dirait d’une promenade au-dessus d’un aérodrome ! Et pourtant !... Le Sahara est traître ! Le 17 février, le commandant Rolland, à l’atterrissage, s’est dégagé difficilement de son avion qui flambait ; et le 18, il a pensé mourir, il serait mort, si le capitaine Depommier n’avait dépêché vers lui le secours opportun de deux méharistes,


LE DÉPART

Mais le général ne se méfie pas du Sahara. Il n’a pas, comme les autres, « l’anxiété de la direction. » A 7 h. 15, les deux avions décollent. Une foule de Touaregs les contemplent et les acclament ; Moussa ag Amastane s’extasie et rêve de s’envoler, lui aussi, à côté de son cher général ; le lieutenant Pruvost, résident du Hoggar, et les militaires européens en station à Tamanrasset, saluent, graves et .recueillis.

Le temps est douteux ; une brume légère flotte. Au bout de