Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le résultat de cette Conférence, autour de laquelle on a fait à la fois tant de mystère et tant de bruit, est maigre. On a échangé des opinions sur le blocus de la Grèce, sur l’insuffisance du concours japonais, sur la valeur probable de l’intervention américaine, sur la position critique de la Roumanie, sur la nécessité d’une entente plus étroite et plus pratique entre les Alliés ; on a mesuré les énormes besoins de l’armée russe dans l’ordre matériel et l’on s’est concerté pour y parer autant que possible. C’est tout.

Quand Doumergue et le général de Castelnau viennent prendre congé de moi, je leur confie une commission :

— Veuillez dire, de ma part, à M. le Président de la République et à M. le président du Conseil que vous me laissez très inquiet. Une crise révolutionnaire se prépare en Russie ; elle a failli éclater, il y a cinq semaines ; elle n’est que différée. De jour en jour, le peuple russe se désintéresse de la guerre et l’esprit anarchique se répand dans toutes les classes, même dans l’armée. Vers la fin d’octobre dernier, un incident très significatif, que j’ai signalé à M. Briand, s’est produit à Pétrograd. Une grève ayant éclaté dans le quartier de Viborg et la police ayant été fort malmenée par les ouvriers, on a requis deux régiments d’infanterie, casernés dans le voisinage. Ces deux régiments ont tiré sur la police. Il a fallu faire venir en hâte une division de cosaques pour mettre les mutins à la raison. Donc, en cas d’émeute, on ne peut pas compter sur l’armée... Ma conclusion est que le temps ne travaille plus pour nous, du moins en Russie, que nous devons dès maintenant prévoir une défaillance de notre alliée et en tirer toutes les conséquences nécessaires.

— Je ne suis pas moins pessimiste que vous, me répond Doumergue ; non seulement je rapporterai toutes vos paroles à M. le Président de la République et à M. Briand, mais je les confirmerai.



Vendredi, 23 février.

A peine les délégués étrangers ont-ils quitté Pétrograd que l’horizon de la Néwa s’obscurcit de nouveau.

La Douma de l’Empire devant reprendre ses travaux mardi prochain 27 février, il en résulte de l’effervescence dans les milieux industriels. Aujourd’hui, des agitateurs ont parcouru les usines Poutilow, les chantiers baltiques et le quartier de Viborg