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les circonstances les plus ingrates, les plus désespérées, il s’est imposé à tous par son activité judicieuse et méthodique, par sa raison froide, par sa confiance inaltérable et communicative, par son énergie calme et obstinée. Quand la Roumanie se relèvera de son épreuve actuelle, il aura été l’un des meilleurs ouvriers de sa résurrection..



Mardi, 20 février.

J’ai à déjeuner, en stricte intimité, Doumergue et le général de Castelnau. Comme ils sont de fins gourmets et que leurs origines les rattachent l’un au Languedoc, l’autre à la Gascogne, je leur fais servir une bouillabaisse à la phocéenne, un cassoulet à la toulousaine, un salmis de gelinottes à la provençale, des cèpes à la bordelaise, le tout arrosé de Château-Yquem et de Mouton d’Armailhacq.

Nous évoquons les souvenirs de la période qui a précédé la guerre. Doumergue, qui était alors président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, est un des premiers qui aient vu, qui aient consenti à voir la réalité menaçante.

Après le déjeuner, j’interroge le général de Castelnau sur les impressions qu’il a rapportées de sa visite au front et sur la valeur du concours que nous pouvons espérer de la Russie.

— Le moral de la troupe, me dit-il, m’a paru excellent ; les hommes sont vigoureux, bien entraînés, pleins de vaillance, avec un beau regard clair et doux... Mais le haut-commandement est mal organisé, l’armement tout à fait insuffisant, le service des transports très défectueux. Et, ce qui est plus grave peut-être, c’est la faiblesse de l’instruction tactique. On ne s’est pas assez libéré des méthodes arriérées ; l’armée russe est en retard de plus d’un an sur nos armées d’Occident ; elle est désormais incapable de mener à bien une offensive de large envergure...



Mercredi, 21 février.

Après une interminable série de déjeuners, de dîners, de réceptions, à l’ambassade, au ministère des Finances, à la Chambre de commerce russo-française, à la présidence du Conseil, à la Douma municipale, chez la grande-duchesse Marie-Pavlowna, au Yacht-Club, etc., les délégués étrangers reprennent enfin le chemin de l’Occident... par l’Océan glacial arctique.