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de la Chapelle Sixtine se sont fait entendre à la Madeleine et à l’opéra tour à tour. Nous ne fûmes invité ni dans l’une ni dans l’autre enceinte. Il est permis de penser que toutes les deux, pour des raisons différentes et trop longues à déduire ici, ne convenaient peut-être pas très bien à leurs hôtes romains. Nous préférons conserver de ceux-ci des impressions anciennes déjà, mais encore vives, et romaines comme eux.

On a dû quelques beaux soirs à la Société philharmonique de Paris. Mme Croiza, qui fut Pénélope à Bruxelles, — pourquoi seulement à Bruxelles ! — a chanté Fauré d’une voix qui n’eut jamais plus de mélancolique et pénétrante douceur. Depuis les vieux maîtres d’Italie jusqu’aux plus jeunes des nôtres, lesquels n’a pas chantés, d’une voix et d’un style également infaillibles, l’admirable artiste qui s’appelle Mme Ritter-Ciampi ! Enfin, comme elle chanta, sous l’archet de Jacques Thibaud, l’adagio de certain concerto pour violon, peu connu, de Sébastien Bach ! « Est-il croyable, se demande Shakspeare, que des boyaux de mouton puissent émouvoir autant notre âme ! » On se le demandait pendant que chaque note de la sublime mélodie, à peine soutenue par le continuo de l’orgue et les pizzicati du quatuor, éveillait, en chacun aussi, tant elle était pure, un vague désir de larmes.

Au Conservatoire. — C’est encore là, toujours là, dans cette étroite enceinte, que les plus grandes joies musicales nous sont données. La maîtrise du chef intelligent, sensible et même passionné qu’est M. Philippe Gaubert, la rare, l’unique valeur de son orchestre, n’est assurément pas étrangère à la perfection de notre plaisir. Mais les choses, comme les êtres, ont leur âme, et l’âme de ces lieux est belle entre toutes. Seul reste de notre vieux Conservatoire, la salle des concerts en est la relique vivante. On l’honore, on l’aime comme l’harmonieux tabernacle de presque un siècle de beauté. Plus hospitalière que d’aucuns ne le prétendent, quels chefs-d’œuvre, quels maîtres n’a-t-elle pas accueillis ? Aujourd’hui même, à n’est pas un bon musicien qui frappe en vain à sa porte. M. Gustave Doret, l’auteur des Armaillis, que l’Opéra-Comique ferait bien de reprendre, est de ces musiciens-là. Son poème symphonique Au cimetière est une page brève et forte. La musique, plutôt que de s’y déployer, s’y concentre. Elle s’y développe cependant et s’y accroît, mais dans l’ordre et pour ainsi dire sur le plan intérieur. Aucune description et pas le moindre recours aux dehors pittoresques. Beaucoup de gravité, de simplicité, avec un renoncement heureux à cette préciosité d’harmonies et de timbres, qui peut bien donner à la musique et lui donne souvent