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et parmi les étudiantes qui se pressent aux cours, on aperçoit nombre de religieuses, dont les cloîtres abritent la vie scolaire. Pour la première fois depuis la Réforme, en 1920, une procession catholique se déroula dans les rues de Londres, à l’occasion de la canonisation de Jeanne d’Arc [1].

A la lumière de ces faits nouveaux, l’établissement par l’Angleterre d’un poste diplomatique auprès du Saint-Siège apparaît comme la suite naturelle de la place que tient aujourd’hui dans la vie de la nation britannique l’élément catholique romain, et du rôle exercé, par des personnalités comme celle du cardinal Bourne, dans l’histoire de cette nation.


II. — LES SUITES RELIGIEUSES DE LA RÉVOLUTION RUSSE : INITIATIVES DU SAINT-SIÈGE

A la cathédrale Ousspenski, de Moscou, deux sièges se dressaient de temps immémorial : l’un était destiné au souverain, l’autre au patriarche, et depuis deux cents ans, le siège du patriarche était toujours demeuré vide. Ainsi l’avait voulu Pierre le Grand, qui à l’autorité patriarcale avait substitué celle du Saint-Synode, et qui, dans la salle même du Saint- Synode, avait fait ériger un trône pour le Tsar. L’Empereur s’asseyait là, en théorie, pour représenter dans l’Eglise les droits du peuple, et ces droits, ainsi que l’expliquait au milieu du dix-neuvième siècle le théologien Khomiakov, ne s’étendaient d’ailleurs ni à l’enseignement, ni à la discipline. Mais tout le premier, Khomiakov reprochait à cette Eglise de se comporter en « captive, aux pieds d’un pouvoir terrestre et vain. » [2] Il était difficile et quasiment impossible, en fait, de dire à un autocrate, après l’avoir intronisé dans le sanctuaire, que, sur ce terrain-là, sa puissance avait des limites ; et le procureur du Saint-Synode, son représentant, se fût mal accommodé d’un tel langage.

La chute du Tsarisme en 1917 eut d’immédiates répercussions dans l’Église. Un geste de M. Lvov, procureur du Saint-Synode, fit disparaître de la salle des séances le trône impérial ; c’était le signe qu’en fait l’Église avait recouvré sa liberté, et bientôt l’office même de procureur disparut. Mais puisque, théoriquement, le Tsar déchu, dans l’Église, représentait le

  1. Battman, Revue des Jeunes, 19 janvier 1921, p. 63-64.
  2. Pierre Iswolsky, Le Correspondant, 10 août 1921, p. 430.