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Fauche-Borel apprit ce décès sans désespoir, quoiqu’il ne soit pas bien prouvé que, dans l’effondrement de toutes ses ambitions, il n’eût point parfois regretté le temps où Perlet entretenait ses illusions. À l’époque où celui-ci mourut, Fauche terminait le grand travail de ses Mémoires, œuvre immense qu’il voulait définitive. Dès 1824, il s’y était attelé et comme il souhaitait qu’elle fût aussi parfaite dans la forme que révélatrice par le fond, il s’était adjoint un collaborateur charge de la rédaction des quatre volumes in-8o que comporterait l’ouvrage. Afin d’éviter les contrefaçons et pour satisfaire l’avidité des lecteurs de toute nationalité, il devait paraître le même jour en texte français, à Paris et, traduit en anglais, à Londres. C’est du moins ce qui fut arrêté dans le traité signé entre Fauche et le sieur Tercy, chargé de mettre en bonne et correcte prose les notes et renseignements fournis par Fauche-Borel.

François Tercy était le beau-frère de Charles Nodier : tous deux francs-comtois se pouvaient dire presque compatriotes de Fauche, par conséquent ; la principauté de Neuchâtel ayant toujours été unie par des liens très étroits à la province française limitrophe. En outre, Nodier restait l’un des fidèles de Pichegru qu’il avait connu, alors qu’il était presque enfant, et pour lequel il gardait un culte d’admirative reconnaissance. On allait donc travailler « entre amis, » et pour mener à bien son grand labeur. Fauche résolut de se fixer à Besançon et d’y apporter la masse de documents, lettres, rapports, considérations sur la apolitique internationale, comptes, certificats de complaisance et autres dont se composaient ses archives. On a quelque trace de son séjour dans l’ancienne capitale de la Franche-Comté : l’incorrigible bavard, toujours en quête d’un auditeur, prit pour victime Charles Weiss, bibliothécaire de la ville, et celui-ci écrivait à son ami Nodier : — « Tu ‘m’as adressé M. Fauche… Dès le jour de son arrivée, il a fallu que je l’entendisse raconter dans le plus grand détail toutes ses missions. Depuis, il m’a rendu régulièrement cinq à six visites par jour, dans ma chambre, dans ma bibliothèque, partout où il espère me découvrir. Indique-moi un moyen de lui échapper… » Nodier répondait : — « Tu me demandes le moyen de te défaire de M. Fauche. Le plus sûr serait de mourir et j’y ai souvent pensé. Trouves-en un autre et fais m’en part… » C’est