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ajoutait M. d’Avaray, les propres expressions du Roi : sa mémoire est toujours fidèle quand elle est l’organe de ses sentiments… »

Invoquer comme un titre d’honneur les paroles que le Roi lui avait adressées, le prenant pour un serviteur héroïque, tandis que le mouchard ne s’introduisait à Gosfield que pour espionner, voilà un trait qui complète le personnage. Louis XVIII régnait encore et Perlet pouvait supposer que cette lettre serait mise sous les yeux de Sa Majesté. Croyait-il donc qu’on eût oublié à la Cour les scandales du procès de 1816 ? Oubliait-il lui-même ou sa tête était-elle tout à fait dérangée ? On le croirait à lire ses dernières lignes : — « Personne ne peut révoquer en doute que j’ai sauvé, seul, par un courage extraordinaire, Mme la Duchesse d’Angoulême d’une mort certaine lorsque cette princesse était enfermée au Temple. J’ai commandé en chef toutes les forces réunies des sections de Paris contre la Convention nationale ; j’ai été condamné à mort le 13 Vendémiaire... Pour toute récompense, je suis condamné par un tribunal inique et forcé de fuir une patrie que j’avais choisie... Votre lettre, monsieur, a comblé la mesure. Je ne demande rien. Il est parfaitement inutile que vous vous donniez la peine de m’écrire ; et encore moins de venir chez moi... mon parti est irrévocablement pris. » Si Perlet, on le voit, avait perdu la raison, il conservait son aplomb des bons jours et il mentait avec plus d’audace qu’il ne l’avait jamais fait. Fidèle au stratagème du faux Comité royal, il espérait aguicher, par cette fière attitude, le sous-préfet de Gex et l’obliger de le supplier humblement, — même à prix d’or, — de divulguer enfin le secret angoissant dont il se disait détenteur. Seulement il avait la main lourde : Dubois ni Desmarest n’étaient plus là pour guider sa plume, et il dut continuer le brochage, sa tentative de chantage ayant échoué. Pourtant il essaya, plus tard encore, de duper quelqu’un, car, quatre ans après, on voit le ministre d’alors, — c’était encore M. de Corbière, — réclamer au Préfet de police des renseignements sur le sieur Perlet : — - « Je voudrais surtout, précise l’Excellence, fixer mon opinion à l’égard des imputations faites au sieur Perlet par rapport à l’affaire du neveu du sieur Fauche-Borel. » C’est le dernier écho du drame. Perlet mourait l’année suivante, à Genève, le 29 novembre 1828, dans son taudis de la place de la Magdeleine.