Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur vie dans la Grande Guerre est la représentation visible du Christ crucifié, dont la mort est le sacrifice suprême. La Société espère voir ériger cet éloquent emblème là où il évoquera le plus efficacement les disparus de la guerre aux yeux des passants. La Société se propose d’entrer en relations avec des comités locaux et des artistes compétents, de stimuler les bonnes volontés et d’aider à l’érection de ces croix ou calvaires par ses subsides.


Prières officielles pour les morts et progrès du culte eucharistique, progrès du culte de la Vierge et multiplication des calvaires, seraient-ce là, pour l’âme anglicane, des étapes vers le romanisme ? Peut-on dire que, par de telles évolutions, le catholicisme anglican, — car l’anglicanisme n’a jamais abdiqué son aspiration à être un catholicisme, — revienne tout doucement vers Rome ? Une telle affirmation aurait quelque chose de trop absolu ; elle simplifierait à l’excès certaines nuances extrêmement subtiles ; et la vérité, ici, est toute en nuances. Nous aimons mieux dire que ces manifestations spirituelles ramènent le catholicisme anglican vers un vieux passé chrétien qui redevient pour lui un héritage de prix, commun avec l’Eglise romaine. Nombreuses sont les ouailles qui, une à une, reprennent ainsi un état d’âme antérieur aux négations de la Réforme, et pourtant ces négations subsistent à l’origine historique de leur Eglise : après un siècle d’emprunts faits au romanisme par certaines sphères anglicanes, le mot de Joseph de Maistre sur la « physionomie ambiguë » de cet établissement religieux, qui n’est ni catholique ni protestant, demeure vrai. Mais ce fut précisément l’un des effets religieux de la Grande Guerre, d’aviver, avec une émouvante âpreté, dans un certain nombre d’âmes anglicanes, le malaise intérieur que leur cause cette ambiguïté. « Catholiques » elles voulaient être, — catholiques non romaines, — et catholiques elles croyaient être. Et dans le séjour qu’elles faisaient en France à l’ombre des drapeaux de leur armée, voilà qu’elles constataient que, dans nos sanctuaires, il n’y avait pas de place pour leurs liturgies à côté de la liturgie romaine, qu’elles ne pouvaient recevoir la communion des mains d’un prêtre romain, et que cette Eglise romaine, qu’elles commençaient de respecter et peut-être d’aimer comme une colégataire du commun héritage chrétien, considérait comme non valide, depuis bientôt quatre siècles, l’ordination de leurs prêtres. Mais alors, si leurs ordinations étaient sans valeur, que devenait leur Eucharistie ? Et