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des criminels, se débattant contre le flot qui monte et cherchant à retarder le moment où il sombrera ; mais ici, on contemplait avec une satisfaction féroce la noyade de ce misérable, soufflant, balbutiant, éperdu et qui, déjà, se sentait tiré vers l’abîme. La suite du procès fut remise à huitaine pour l’audition des plaidoiries. Devant l’opinion, la cause de Fauche-Borel était déjà gagnée : les journaux, en rendant compte de la première journée des débats, s’accordaient à présenter Perlet sous l’aspect d’un phénomène de fausseté et de perfidie. Les chroniqueurs manquaient d’épithètes pour qualifier cette effrayante figure de traître en comparaison de laquelle pâlissaient les plus légendaires scélérats. Quand, le vendredi, 18 mai, les curieux, plus nombreux encore qu’à la première audience, se tassèrent dans le prétoire, tous cherchaient des yeux ce monstre de fourberie ; mais Perlet n’était pas là ; son avocat non plus ; l’audience s’ouvrit sans qu’ils eussent paru et Berryer prit la parole.

De son plaidoyer, qui se prolongea durant trois heures, on retiendra seulement ici quelques traits qui complètent ce que l’on sait déjà de cette longue intrigue policière. L’avocat établit que Perlet, au cours de sa correspondance, avait reçu de Fauche environ 50 000 francs. Si l’on ajoute à cette somme celles que le mouchard toucha, tant en gratifications qu’en appointements, à la caisse de la Police, les 6 000 francs que lui valut, au dire de Veyrat, son voyage à Londres et l’argent conquis sur le malheureux Vitel, on voit que son infamie lui rapporta une centaine de mille francs. Berryer aborda ensuite la calomnie de Perlet, accusant Fauche-Borel d’avoir servi la police de Bonaparte et offert à Desmarest sa collaboration, en 1813. — Quel intérêt aurait poussé Fauche à trahir la cause au succès de laquelle, depuis si longtemps, il consacrait toutes ses forces, et cela juste à l’heure où il était facile de prévoir qu’elle allait triompher ? Si Fauche s’est enrôlé dans la Police impériale, pourquoi ne livrait-il pas à Desmarest les lettres qu’il recevait de Perlet, alors qu’il croyait celui-ci l’un des plus fermes champions de la cause royale ? Et, d’ailleurs, quelle confiance Desmarest aurait-il pu prêter aux offres de Fauche qui l’avait trompé déjà et dont il tenait en mains toute la correspondance, révélatrice d’un zèle ardent pour les Bourbons ? Arguments sans réplique, en effet, que Berryer résuma en une péroraison éloquente : — « Que l’on consulte ces registres qui comprennent