au pauvre Fauche, qui sortit de là enfin convaincu d’avoir passé huit ans de sa vie à imiter l’astrologue de la fable qui, en observant le ciel, se laisse choir et se retrouve au fond d’un puits.
Il emportait du moins une consolation bien faible : s’il avait été dupé, c’était par les plus habiles et les plus réputés des policiers et non point par un simple agent provocateur : Dubois, Desmarest, Fouché lui-même avaient machiné le traquenard destiné à le prendre. Un peu remonté par cette constatation flatteuse, il résolut de se présenter chez chacun de ces maîtres, afin de recueillir d’eux quelques précisions réconfortantes, et cela ne manqua point. Dubois avoua sa collaboration à la correspondance : — « Il n’est pas étonnant, dit-il, que vous ayez été frappé de certains détails justifiant que Perlet était véritablement secondé par des personnes au fait de tout ce qui se passait. » Desmarest, fixé depuis la chute de l’Empereur dans une propriété aux environs de Compiègne, où il occupait ses loisirs à herboriser, et que Fauche alla relancer dans sa retraite, Desmarest se flatta que le piège était habilement tendu et que les plus rusés y devaient trébucher : — « Ma place m’a mis à même de voir bien des scélérats ; mais jamais je n’ai connu un monstre de la trempe de Perlet. » Et il ajouta : — « Lorsqu’il fut décidé que votre neveu Vitel serait mis à mort, on agita si, avant de le fusiller, on ne se servirait pas de sa main pour vous aviser que votre présence à Paris était indispensable... Votre mort, en ce cas, eût été certaine ; mais Fouché ayant fait observer que c’était bien assez d’une victime dans une famille, le projet resta sans exécution ; » confidence qui eut pour résultat inattendu d’obliger Fauche à terminer par des actions de grâce sa visite à cet adversaire de toujours. Plus tard, il vit Fouché, et le tableau est saisissant qu’il a tracé de cet homme blême, de cette face blafarde, où il n’y avait de rouge que les yeux, de ce spectre drapé dans une robe de chambre blanche, auquel donna passage une porte masquée dans la muraille. Le grand policier traita Fauche presque en égal, et, comme les deux autres, le félicita d’être encore en vie : — « Je vous ai fait bien du mal ; mais si je vous avais fait tout celui qui m’était ordonné, vous n’existeriez plus. » Ces propos laissaient entrevoir que le libraire serait soutenu dans sa lutte contre Perlet ; elle s’annonçait chaude quand on apprit tout à coup que Bonaparte, échappé de l’Ile d’Elbe, avait traversé