résigner à la conviction de son ridicule ; il espérait encore en quelque malentendu, à un inextricable imbroglio dont Perlet aurait été l’innocente victime. Aussi quand il apprend l’arrivée à Paris de Veyrat, rappelé par Dandré qui succède à Beugnot dans la direction de la Préfecture, il court à l’Hôtel de Hollande, rue des Bons-Enfants, où l’ex-inspecteur vient de descendre. Fauche le surprend au débotter, décline son nom et, voyant que le policier, étonné, se tient sur ses gardes, il expose que le but de sa démarche n’est pas de récriminer, mais seulement d’obtenir des informations positives sur l’arrestation et la condamnation de Charles Vitel dont Perlet rejette toute la responsabilité sur Veyrat lui-même. Très froidement, celui-ci répond que, débarqué à l’instant, il n’a pas encore eu le temps de déboucler ses malles ; si Fauche veut bien patienter et revenir dans une demi-heure, il pourra prendre connaissance du dossier complet de l’affaire et former son jugement d’après les pièces originales. Une demi-heure plus tard, Fauche reparaît et Veyrat tire de sa valise une forte liasse dont il justifie d’abord la provenance : il a soustrait ces papiers du carton de l’affaire Perlet quand le baron Pasquier ordonna qu’on lui remît toutes les pièces concernant la correspondance de l’espion avec Fauche et sa mission en Angleterre. Connaissant la duplicité de Perlet et prévoyant quelque perfidie, Veyrat s’est approprié ces documents utiles à sa justification personnelle ; les voici : et devant le malheureux Fauche effondré dont la stupeur douloureuse s’accroît à chaque nouveau feuillet, repasse l’effroyable intrigue. Les premières lettres de Perlet suppliant son cher ami Veyrat de lui procurer un gagne-pain, ses rapports d’essai, le début de la correspondance avec Fauche, les reçus du misérable sans cesse quémandant des gratifications, ses remerciements obséquieux, ses protestations d’absolue soumission aux ordres du ministre. Fauche voit, corrigés de la main du Préfet, de Desmarest, de Fouché, les brouillons de ces lettres que, tout joyeux, il recevait à Londres et qui berçaient d’espérances trompeuses le roi exilé ! Voici, toujours de la main de Perlet, Vitel dénoncé, les recommandations pour que l’infortuné ne puisse échapper, la façon de le prendre, de le questionner ; voici encore les lettres adressées par l’espion à ses chefs durant sa mission à Londres ; et toujours des demandes d’argent, des platitudes... Veyrat, impitoyable, n’épargna rien
Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/885
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.