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l’« orthodoxe » Empire des Tsars. La renaissance de deux grandes nations catholiques, la Pologne et l’Irlande, l’exaltation des trois nations latines et catholiques, Italie, France et Belgique, ces prodigieux événements de l’histoire contemporaine ont rendu à Rome tout son ancien prestige. Dans un monde enfin pacifié, et qui, plus que jamais, a besoin pour revivre d’autorité morale, la parole est au grand pape qui vient de monter sur le trône de saint Pierre. Il sait trop bien l’histoire pour ne pas compter sur la France. Car cette victoire catholique est, en même temps, une victoire, non pas exclusivement, mais surtout française. On pouvait en douter au lendemain de l’armistice, et, un moment, on pouvait se demander si l’Angleterre n’allait pas être la grande victorieuse de la grande guerre. L’émancipation des Dominions, le détachement de l’Irlande, et, demain peut-être, celui de l’Ecosse, où se dessine un mouvement séparatiste, les revendications de l’Egypte, des Indes, du Transvaal, la formidable crise économique et sociale où se débat un pays qui n’a pas su rester suffisamment agricole, tous ces faits, qui sont d’hier, nous prouvent que la Grande-Bretagne est infiniment moins forte qu’elle ne l’était en 1914. Redevenue la grande force d’équilibre de l’Europe continentale, ayant à ses portes un immense Empire africain à faire fructifier, souveraine incontestée d’un riche et paisible domaine colonial, appuyée sur des alliances et des amitiés nouvelles, plus robuste, plus saine et plus glorieuse qu’elle ne l’a jamais été, la France saura bien triompher des difficultés passagères avec lesquelles elle se trouve maintenant aux prises. Si elle parvient à conjurer la crise de sa natalité, si, avertie par l’expérience, elle renonce définitivement à user sa vitalité en de pauvres querelles intérieures, si, en un mot, elle n’admet pas que rien désormais n’altère son vrai visage, qui est celui d’une grande puissance spirituelle, dans le monde renouvelé de demain, elle n’aura pas à se plaindre de sa destinée.

Un livre qui pose et soulève de pareilles questions n’est pas seulement une œuvre historique de premier ordre ; c’est un livre bienfaisant. En écrivant son Histoire religieuse de la France, M. Georges Goyau a fait œuvre d’excellent Français.


VICTOR GIRAUD.