siècles, au double point de vue intellectuel et social, comme au point de vue de son expansion extérieure, le catholicisme français n’a été plus florissant, plus vivant, plus fécond en œuvres et en hommes. La loi de séparation, la rupture avec Rome n’ont pas ralenti ce curieux mouvement. D’autre part, le rôle du clergé et des catholiques pendant la Grande Guerre a fait tomber bien des préjugés, et la France victorieuse, affamée de paix religieuse, n’a pu conserver à l’égard du Vatican l’attitude boudeuse qu’elle avait affectée au temps de ses défaites et de son isolement. Elle a renoué avec Rome, et il semble qu’une ère nouvelle va s’ouvrir où la religion ne rencontrera plus d’obstacle légal à son rôle moralisateur et à son action civilisatrice.
Présenter un grand nombre de faits, judicieusement choisis et minutieusement contrôlés, sous une forme claire, exacte, animée ; en démêler avec sagacité le caractère, l’enchaînement et la suite : c’est là sans doute la première obligation et la tâche essentielle de l’historien. Ce n’en est pourtant pas la seule. L’histoire n’est pas une simple collection de faits bruts et morts. Ces faits ont un sens ; ils sont chose vivante, étant chose humaine, et le véritable historien est celui qui sait en dégager la signification générale, et qui, sans cesser d’être historien, ne dédaigne pas d’être philosophe.
A cette condition suprême de la grande histoire, M. Georges Goyau a largement satisfait. Ce qui forme, selon moi, le mérite éminent de son Histoire religieuse de la France, c’est qu’elle est tout entière dominée par une idée générale qui, issue naturellement des faits, reparaît à tous les tournants de son livre, chaque fois formulée en des termes d’une ingénieuse et expressive justesse. Cette idée, qui s’épanouit magnifiquement dans son dernier chapitre, c’est qu’il y a, si l’on peut dire, entre le catholicisme et la France, une sorte d’harmonie préétablie, dont nos vingt siècles d’histoire sont, à proprement parler, la constante, la vivante illustration. M. Goyau rappelle, — ce sont les dernières lignes, évidemment symboliques, de son Histoire, — le curieux hommage que, dès le IXe siècle, un arrière-petit-fils de Charlemagne, l’empereur Louis II, rendait à « la vocation missionnaire » de la France : « La nation des Francs,